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COMMENTAIRE COMPOSÉ
Texte support
RAMA KAM
(Chant pour une Nègresse)
Me plaît ton regard de fauve
Et ta bouche à la saveur de mangue
Rama Kam
Ton corps est le piment noir
Qui fait chanter le désir
Rama Kam
Quand tu passes la plus belle est jalouse
Du rythme chaleureux de ta hanche
Rama Kam
Quand tu danses
Le tam-tam Rama Kam
Le tam-tam tendu comme un sexe de victoire
Halète sous les doigts bondissant du griot
Et quand tu aimes
Quand tu aimes Rama Kam
C’est la tornade qui tremble
Dans la chair de nuit d’éclairs
Et me laisse plein de souffle de toi
O Rama Kam !
David Diop, Coups de pilon, Présence Afrique, 1956
Libellé : Vous ferez de ce poème un commentaire composé où vous montrerez comment à travers la beauté de Rama Kam, le poète se trouve dans un état de hantise.
Violence des mots, style tranchant, mouvements éclatants sont autant de « coups » qui doivent se répercuter dans la conscience du lecteur et le pousser à la révolte. Telle est la mission que David Diop s’est assignée avec son unique œuvre Coups de pilon.
Toutefois, il décide aussi de magnifier la beauté féminine en occurrence la femme africaine. Et « Rama Kam » est l’un des poèmes dans l’œuvre Coups de pilon où David Diop, poète sénégalais, chante vraiment la femme africaine dans la splendeur de sa beauté ensorcelante. D’ailleurs, c’est le texte support de notre travail.
En ce qui concerne donc notre travail, il s’agira de montrer l’effet que produit la beauté de Rama Kam sur le poète à tel point d’être hanté.
(Saut de deux lignes)
Le premier vers « Me plaît ton regard de fauve » laisse saisir la beauté de Rama Kam. Quelle beauté qui se lit à travers la beauté physique et naturelle de cette dernière.
Parlant de la beauté physique, elle est mise en évidence à travers un emploi métaphorique corporel de Rama Kam. Le corps de cette dernière s’offre à l’appétence du poète et fait naître chez lui l’appétit du plaisir et du désir : « Qui fait chanter le désir » (v. 7). En effet, par une description statique, la beauté de Rama Kam est présentée par David Diop. C’est d’abord, le « regard de fauve » (v. 7) ; ensuite la « bouche à la saveur de mangue » (v. 2) ; puis le « corps […] le piment noir » (v. 4) et enfin le « rythme chaleureux de [la] hanche » (v. 8) de Rama Kam que le poète métaphorise pour montrer la fascination suscitée par cette beauté inouïe. Le poète est donc obnubilé, hypnotisé par Rama Kama, à tel point d’user d’un champ lexical corporel de la femme en question : « ton regard » (v. 1), « ta bouche » (v. 2), « ton corps » (v. 4) et « ta hanche » (v. 5). Par cet emploi lexical, le poète insinue que tout chez Rama Kam est synonyme de beauté, une beauté qui se saisit dans les moindres détails du corps et qui « fait chanter [donc] le désir » (v. 5) ; pour ainsi dire qui suscite le désir sexuel chez le poète car il a le sexe en érection : « Le tam-tam tendu comme un sexe de victoire » (v. 12). Cette comparaison montre que le poète veut bien faire l’amour avec Rama Kam à la simple admiration ou au simple regard, parce qu’elle est physiquement belle.
Au-delà de cette beauté physique irrésistible au poète, il y a aussi la beauté naturelle de Rama Kam qui ne laisse pas ce dernier indifférent.
La beauté naturelle de Rama Kam est mise en exergue dans ses mouvements. Le poète use donc de la description dynamique pour faire ressortir la beauté naturelle de Rama Kam. Cette beauté saisie dans l’action montre que Rama Kam est plus belle que la nature elle-même. En effet, l’emploi des verbes d’action tels que « passes » (v. 7), « danses » (v. 10) et du verbe de sentiment « aimes » (v. 14 et v. 15) montre que Rama Kam est en plein mouvement, en pleine action ; et son passage est donc synonyme de bouleversement, de renversement de l’ordre, de déchaînement des éléments de la nature à telle enseigne que « la plus belle est jalouse » ( v. 7) et que « la tornade […] tremble » ( v. 16). Ces emplois antithétiques suscitant un paradoxe révèlent que la beauté de Rama Kam est sans artifice, sans artéfact et sans maquillage. C’est une beauté cent pour cent naturelle, pour ainsi dire, qui dérange beaucoup les êtres humains et le cosmos. Rama Kam est sublime dans ses actions car tout se laisse apprécier et appréhender à travers ses faits et gestes qui se lisent. Cela se justifie par l’emploi de l’enjambement :
Quand tu danses
Le tam-tam Rama Kam
Le tam-tam tendu comme un sexe de victoire
Halète sous les doigts bondissant du griot
Et quand tu aimes
Quand tu aimes Rama Kam
C’est la tornade qui tremble (v. 10 au v. 16)
Dans cet extrait ci-dessus, nous voyons que la beauté de Rama Kam est étalée dans ses mouvements. Beauté saisie dans la danse ; beauté saisie dans la marche et dans ses sentiments ; beauté saisie aussi dans la couleur éclatante de la chair de Rama Kam : « Dans la chair de nuit d’éclairs » (v. 17).
La beauté de Rama Kam à la fois physique et naturelle ne laisse point indifférents le cosmos et les autres filles, en général et en particulier, le poète. Rama Kam est physiquement et naturellement belle à telle enseigne que cette beauté fascine David Diop et qu’elle soit pour lui une hantise.
(Saut d’une ligne)
Le poète est irrésistible à la beauté de Rama Kam. À la vue de cette dernière, il est comme possédé par une force invisible qui le met en transe et qui délie sa langue afin qu’il puisse par magie ou par envoûtement chanter la beauté fascinante de Rama Kam. C’est sorte de hantise se lit à travers la possession et l’obsession du poète par la beauté de Rama Kam.
Comme nous l’avons affirmé, le poète se trouve possédé par une force non plus invisible mais palpable. Cette force qui le possède est en fait la beauté de Rama Kam. Le moi du poète est tout entièrement rempli de Rama Kam. L’emploi du déictique de la première personne du singulier « Me » (v. 1 et v. 18) révèle que l’existence, la vie du poète dépend de Rama Kam. Son souffle vital est le souffle de Rama Kam : « Et me laisse plein de souffle de toi » (v. 18). Le poète fait sien du souffle de Rama Kam à telle enseigne que toute son existence découle d’elle. La possession du poète par Rama Kam est aussi mise en évidence par l’emploi de l’anastrophe ou de l’inversion : « Me plaît ton regard de fauve » (v. 1), « Et me laisse plein de souffle de toi » (v. 17). L’ordre inhabituel dans ces phrases prouve que la Beauté de Rama Kam est capable de déranger l’esprit vif et fin du poète, c’est-à-dire cet emploi met en évidence l’état anormal du poète. En effet, le poète dépossédé de ses facultés lucides oublie les règles de la construction syntaxique élémentaire de la phrase simple française. Cela est dû à l’emprise de Rama Kam sur le poète. Il n’est plus lui-même. Il est sous l’emprise de Rama Kam.
Loin de la possession, l’état d’âme du poète laisse insinuer qu’il est obsédé par la beauté de Rama Kam. Cette obsession n’est que de l’envoûtement. Le poète est donc envoûté par la beauté de Rama Kam.
L’obsession du poète s’appréhende par de nombreuses sonorités en « am » : Rama Kam, tam-tam ; en « s » : saveur, passes, danses, sous, bondissant, laisse, souffle ; et en « an » : mangue, chanter, hanche, danses, bondissant. Ces nombreuses sonorités connotent sans doute d’une vie qui se déroule au rythme du tam-tam laissant donc dire que le poète est endiablé par le son du tam-tam battu « sous les doigts bondissant du griot » (v. 13) le mettant ainsi en état de transe. À vrai dire, c’est la beauté de Rama Kam qui lui procure la sensation d’être en transe et de donner vie à son poème. Et sous le charme de cette dernière il ne peut qu’exprimer ses sentiments et pousser un cri de satisfaction traduit par l’emploi de l’interjection et du point d’exclamation, et qui, de surcroît, est le seul point employé par David Diop : « O Rama Kam ! » (v. 19). Tout l’état de l’obsession est saisi dans cette expression exclamative à l’allure d’une apostrophe interpellant une divinité ou à l’allure d’un soupir amoureux. Cette obsession est aussi le fait de nombreuses répétitions qui laissent dire que Rama Kam s'impose à l'esprit du poète de façon répétée et incoercible. Elle tend donc à s’accaparer tout le champ de la conscience du poète. Et nous l’apercevons par la répétition excessive de Rama Kam (six fois répété) qui se constitue comme un refrain. À cela, il faut ajouter la répétition de la conjonction « quand » exprimant ainsi une relation temporelle et de simultanéité, pour dire que les effets produits par la beauté de Rama Kam sur le poète sont immédiats. Cela suppose aussi que le poète n’a aucun répit dans l’admiration de cette Nègresse. C’est donc de la pure obsession.
Il harcèle donc cette femme sublime et belle, à tel point d’être à la fois possédé et obsédé par elle et de faire sien le souffle vital de Rama Kam.
(Saut de deux lignes)
Le poète ne peut rester indifférent face à la beauté physique et naturelle de Rama Kam. Il subit le charme de cette beauté à tel point d’être à la fois possédé et obsédé. Étant donc un chantre de la négritude, nous pouvons dire que David Diop s’assigne la mission de dire à l’humanité que les femmes africaines sont de belles femmes à couper le souffle.
À l’instar de David Diop, Léopold Sédar Senghor en a aussi magnifié la beauté de la femme africaine à travers son poème « Femme noire » dans son œuvre poétique chants d’ombre.
Exemple de commentaire composé
proposé par Adou BOUATENIN,
Critique littéraire, poète-romancier
39 commentaires
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