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    L’ivoirité, le bouc-émissaire de la crise ivoirienne de 2000 à 2010.

     

     

    Adou BOUATENIN

    Maître ès Lettres Modernes

    Université Félix Houphouët Boigny

    Côte d’Ivoire

    diderplacidus@hotmail.fr

     

    Introduction

     Être fiers ivoiriens , consommer ce qui est ivoirien, dire ou exprimer la manière d’être ivoirien, décrire la volonté du peuple ivoirien d’être et de vivre, exprimer une Côte d’Ivoire où l’Ivoirien se sent aise chez lui et l’étranger se sent ivoirien par sa manière d’être ; c’est cette idée que véhicule le concept ivoirité. Ce concept, qui semble, peut-on dire, une autre Négritude à l’ivoirien, est pris du revers de la main par les politiciens, les politiques et les politologues d’horizons divers, relayé par les médias (pro-)partisans comme une sorte d’arme, de bombe de discrimination, d’exclusion, d’xénophobie déversée sur le sol ivoirien. Une bombe déclenchée dont les initiateurs, paniqués, ne savent plus comment la désamorcer. Ils se lancent la pierre. Les plus futés se sont donc saisis de cette arme pour fonder le soubassement de leur idéologie politicienne afin de gagner la faveur des occidentaux et des américains, ceux qui hier ont brandi la carte de séjour . Ceux qui se disent socio-nationalistes, et qui voulaient redonner le blason de l’ivoirité, ont été vus d’un mauvais œil, et traités de xénophobes et dictateurs, parfois emprisonnés ou assassinés. Rappelons la situation socio-politique de la Côte d’Ivoire de 1999 à aujourd’hui. En effet, le 24 décembre 1999, le coup d’état contre Bédié est « intervenu dans une crise identitaire profonde au concept d’ivoirité ». Par ce coup d’état, le général Robert Gueï arriva au pouvoir suprême. En 2000, il organisa un référendum relatif à la modification de la constitution. Ce référendum eut lieu le 23 juillet 2000, et promulgué le 07 août 2000. Ce fut la rage lutte autour des conjonctions de coordination et /ou pour savoir si le candidat à la présidentielle devrait être Ivoirien de père et de mère Ivoiriens ou l’un des parents doit être Ivoirien. Tous les politiciens se sont accordés et ont appelé les militants à voter pour la conjonction de coordination et. Tous et sans exception, même ceux à qui, semblait-il, que ce concept est destiné. Dans la même année, Laurent Gbagbo est élu au suffrage universel aux élections présidentielles qui l’opposait au général Robert Gueï, parce qu’Alassane Ouattara et Bédié ont respectivement une nationalité douteuse et un long exil. À peine installé, « le 19 septembre 2002, une partie de l’armée s’est à nouveau rebellée, prenant le contrôle de la moitié du pays »  avec les mêmes raisons qui ont évincé Henri Konan Bédié du pouvoir. Laurent Gbagbo joue le jeu, négociation, dialogue par là et par ici, et se maintient au pouvoir jusqu’en 2010 où la constitution (voix du peuple) lui donne le pouvoir à nouveau qui est arraché par la communauté internationale, à sa tête la France et les États-Unis d’Amérique (version internationale de la voix du peuple) pour le remettre à Alassane Ouattara. Ce dernier, auparavant avait dit « lui-même justifié son éviction devant les parlementaire français par son appartenance à la religion musulmane.»  Devant cet agissement du mentor du Rdr (Rassemblement Des Républicains), Mamadou Ben Soumahoro a demandé « le départ d’Alassane Dramane Ouattara [du Rdr] et [a dénoncé] l’amalgame entre politique, religion et ethnie. »  Le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo arrêté par la licorne de la France est remis aux Forces Nouvelles d’Alassane Ouattara, et quelques jours à la Cour Pénale Internationale laissant seul maître du navire ivoire Alassane Ouattara. Ainsi pris fin la soi-disant crise identitaire. Cependant à peine installé par la communauté internationale, Alassane Ouattara baptisa sa politique de « rattrapage ethnique », qui semble le nouveau visage de l’ivoirité politisée avec ses corollaires adoption du code foncier, de nationalité, etc. par le parlement ivoirien. Ce contexte socio-politique en Côte d’Ivoire nous fait dire que le concept de l’ivoirité est un bouc-émissaire de la crise identitaire en Côte d’Ivoire. Au-delà de tout ce qui précède ou ce que nous avons dit nous pensons que l’ivoirité, quel que soit ce qu’on dira exprime la quête perpétuelle d’identité du peuple ivoirien. Cela nous amène à poser cette problématique : l’ivoirité n’est-il pas une expression du nationalisme ? Existe-il une différence entre l’ivoirité et le nationalisme ou y’a-t-il une convergence entre les deux ?

     

    1- L’ivoirité, l’expression du nationalisme

     Considéré l’ivoirité comme l’expression du nationalisme revient à remonter la pente des origines de concept et montrer qu’il s’agit d’un sentiment exprimé dans l’exaltation d’une doctrine politique nationale. Félix Houphouët Boigny voulut que tous les ressortissants ivoiriens se sentent chez eux sur l’ensemble du territoire national, et que les étrangers puissent être intégrés à la nation, et pourtant certains groupes ethnies étaient quant eux « laissés pour compte ». En 19780, les bétés, peuple de l’ouest de la Côte d’Ivoire, proclamèrent la République d’Eburnie qui regroupait toutes les populations de l’ouest sous leur tutelle. Pour désamorcer ces revendications, en 1978, Félix Houphouët Boigny créa le ministère du travail et de l’ivoirisation. Ce ministère a favorisé l’ivoirisation des emplois dans la fonction publique et dans les entreprises privés en coordonnant cette politique de préférence nationale au discours d’intégration des étrangers. C’est-à-dire seuls les Ivoiriens ont droit aux emplois dans la fonction publique et dans les entreprises privées. Voyant dessiner à l’horizon l’ivoirisation des emplois en Côte d’Ivoire, Dieudonné Niangoran Porquet, en 1974 dans le journal Fraternité Matin utilise pour la première fois dans un article intitulé Ivoirité et authencité pour parler du caractère ivoirien des emplois, l’authencité de l’Ivoirien ou ce qui est authentique chez l’Ivoirien . La mort du père de l’indépendance marqua l’abandon de la politique de l’ouverture et d’intégration. Henri Konan Bédié  qui arriva au pouvoir, en tant que le dauphin de la constitution ivoirienne activa la rhétorique ivoiritaire. Selon Henri Konan Bédié, « la conception de l’ivoirité veille à se présenter comme une réflexion sur l’identité ivoirienne, détachée de toute considérations discriminatoires, comme instrument d’harmonisation de la diversité culturelle ivoirienne, sans rejet ni exclusion. » Il dit en substance que « quel que soit notre ethnie, notre religion, notre région, notre race, est promise à tous, même aux étrangers pour autant qu’ils embrassent la culture ivoirienne. » L’ivoirité est donc la valorisation de la culture ivoirienne, donc nationale.

     L’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo en octobre 2000 marqua une nouvelle étape du concept d’ivoirité. Ce concept sera politisé : la Côte d’Ivoire aux Ivoiriens. Il dira que la Côte d’Ivoire n’est pas la sous-préfecture de la France ou qu’il n’est pas le sous-préfet d’un pays quelconque. Car « tout compte fait, c’est le peuple de Côte d’Ivoire qui veut l’ivoirité », se justifie-t-il. Aujourd’hui, (à partir de 2010), Alassane Ouattara , semble la victime de l’ivoirité, étant donc le seul maître du navire, accentue le concept et le rebaptise. Selon lui l’ivoirité est dénudée de sens et de signification, ce qui va mieux avec sa politique, c’est le rattrapage ethnique, car les gens du nord ont été biaisés et vus comme des étrangers. Quels que soient les sens qu’on aura à donner au concept ivoirité, quels que soient les sentiments prouvés au concept, l’ivoirité est ce sentiment national d’appartenance culturelle de la Côte d’Ivoire que l’on ne peut extirper des entrailles des Ivoiriens. C’est donc l’identité culturelle des Ivoiriens intègres d’où découlent les valeurs d’un peuple empreintes d’hospitalité, de tolérance et d’ouverture sur les autres, à telle enseigne que Léopold Sédar Senghor l’employa en 1971 à l’amphithéâtre Léon Robert de l’Université d’Abidjan, actuelle Université Félix Houphouët Boigny pour louer le brassage culturelle en Côte d’Ivoire . Les ivoiriens sont toujours en quête d’une identité nationale, et l’outil trouvé fut l’ivoirité. Les hommes de mauvaises intentions l’ont réduit en un outil de destruction condamnant ainsi Bédié, Gueï, Gbagbo et les Ivoiriens au silence tombal. La politique a enlevé aux Ivoiriens l’idée nationaliste et consciente d’appartenir à une communauté d’idéal, d’intérêt et de travail, de se sentir Ivoirien, la fierté d’être Ivoirien. Assimiler l’ivoirité, une manière d’être à l’exclusion, à la xénophobie, c’est refuser d’être Ivoirien ; c’est refuser l’identité propre aux Ivoiriens et à la Côte d’Ivoire, c’est avoir la mauvaise foi, et la communauté internationale et certains hommes politiques ne l’ont pas compris. L’ivoirité est mal comprise. Pourquoi avoir donc honte de vivre son ivoirité, sa façon de se présenter au monde, et de se distinguer des autres citoyens du monde ? Ce n’est pas la manière d’être de tout un chacun qui fait la beauté de la diversité culturelle ? Pouvons-nous entendre dire les sympathisants de l’ivoirité.

     Nous concluons en disant que l’ivoirité est la fierté légitime que les Ivoiriens éprouvent d’être citoyens d’un pays qui s’appelle la Côte d’Ivoire ; le comportement, la façon des Ivoiriens de s’habiller, de manger, de danser, de vivre… l’étranger qui se sent dans cette manière exprime son ivoirité. C’est l’expression du nationalisme ivoirien, peut-on dire. Cependant, il semblerait que l’ivoirité et le nationalisme sont des termes très différents vus leur appréhension.

     

    2- L’ivoirité et le nationalisme : divergente ou convergente ?

     

     L’ivoirité est née dans le souci de donner une identité culturelle aux Ivoiriens or si nous nous attardons sur le sens du nationalisme, nous verrons qu’entre l’ivoirité et le nationalisme, il n’existe à vraiment dire pas de divergence. En effet, le nationalisme s’attache à défendre l’héritage intellectuel, moral, politique, religieux, culturel et artistique, qui définit le génie national et fait qu’une nation est différente de tout autre, de même qu’un individu est différent de tout autre, avec sa personnalité propre. Par exemple un Ivoirien n’est pas un Ghanéen, parce que tous deux ont de cultures différentes. Le nationalisme, de façon générale, prône l’unité de la communauté nationale en fonction d’un ou plusieurs critères objectifs (ethniques, culturels, linguistiques et/ou religieux) et de critères subjectifs (le sentiment national d’être unique…), construite au fil du temps ; c’est-à-dire le nationalisme valorise l’appartenance communautaire souvent pour se distinguer d’un autre ensemble, parfois pour s’y opposer. Quant à l’ivoirité, elle était ce sentiment national des Ivoiriens de se distinguer des autres groupes de la sous-région africaine. Dans sa conception première, elle défendait une identité nationale face à une agression extérieure (La Côte d’Ivoire est le pays de la sous-région où le taux des étrangers est élevé que le taux des autochtones). C’est donc la volonté du peuple ivoirien d’avoir une identité commune, d’être authentique, pas de sangs mêlés qui a engendré l’ivoirité. Car « tout compte fait, c’est le peuple de Côte d’Ivoire qui veut l’ivoirité ». Là nous pouvons dire que l’ivoirité est une sorte de nationalisme en Côte d’Ivoire. Le dire et le faire sont deux choses difficiles à concilier. Henri Konan Bédié fera de l’ivoirité une sorte d’ethnocentrisme. En effet, l’ethnocentrisme est une tendance, plus ou moins consciente, à privilégier les valeurs et les formes culturelles du groupe auquel l’on appartient. Dans Les chemins de ma vie, Bédié affirme que le groupe habilité à gouverner est le groupe Akan, groupe dont il est issu, et que dans ce groupe c’est le peuple Baoulé qui a droit à la gouvernance, le groupe ethnique dont il est. L’on comprend dès lors qu’en Côte d’Ivoire, c’est le peuple Baoulé qui est habilité à gouverner. Bédié fera une politique de préférence, et les autres sont exclus. L’ivoirité, sous ère Bédié, n’a rien avoir avec le nationalisme mais l’ethnocentrisme, plus dangereux que le nationalisme. Avec Laurent Gbagbo, l’ivoirité semble disparue. L’on ne parle plus d’ivoirité mais de patriotisme. Quant au patriotisme, elle est la tendance qui s’attache à défendre l’intégrité du sol national en cas d’invasion lors d’une guerre. En effet en 2002, deux ans après son arrivée à la magistrature suprême, une partie de la Côte d’Ivoire est occupée par un groupe armé (la rébellion au Nord, Ouest et Centre). Alors de part et d’autre, on a assisté à la formation des groupes de jeunes : Forces nouvelles d’un côté, désignant les rebelles dont le porte-parole est Kigbafori Guillaume Soro (actuel président de l’Assemblée Nationale ivoirienne), et les loyalistes et la Galaxie patriotique de l’autre côté, partie sous contrôle de l’État ivoirien. La Galaxie patriotique avec Charles Blé Goudé prétendait défendre la partie agressée par les rebelles venus des pays voisins, le Burkina Faso, le Mali, la Guinée (Conakry) le Libéria, avec les mains nues. Les jeunes endoctrinés par les idéaux de liberté, d’émancipation politique et économique, de nationalisme, étaient montés contre les étrangers en particulier, et la France en général. Laurent Gbagbo se disait un nationaliste engagé et avait une haine contre la France pour ses ingérences politiques et économiques. En ce temps-là le slogan patriotique était « La Côte d’Ivoire aux Ivoiriens. » Voyant donc la popularité de Laurent Gbagbo (aimé par la jeunesse ivoirienne), son image sera ternie par la politique chiraquienne  et sarkozienne sur le plan international. S’ils le laissent, leur candidat ne sera jamais président. Alors toutes les vives coupées, embargos sur embargos le forçant à démissionner. Il va tenir bon jusqu’en 2010, à telle enseigne qu’on dira qu’il a une armée fidèle, une jeunesse fanatique…Mais où était cette armée fidèle le 11 avril 2010 ? Où était cette jeunesse fanatique le 11 avril 2010 ? Nulle part ! Il sera accusé de dictateur et de réveilleur de l’ivoirité. Alassane Ouattara est enfin au pouvoir, lui qui se disait être victime de l’ivoirité. Doit-on rappeler les conditions dans lesquelles il est arrivé à la magistrature suprême, et dans lesquelles Laurent Gbagbo s’est retrouvé à la Cour Pénal International à la Haye ? Non ! Car le peuple ivoirien sait que c’est la Communauté Internationale qui l’a investi (la cour constitutionnelle l’a investi sous la contrainte de la communauté internationale). À peine installé, sur une chaine étrangère (France 24), il affirme faire de sa politique une politique de rattrapage ethnique. Soyons sincères ! Tous les directeurs des institutions étatiques de la Côte d’Ivoire ont des noms à connotation nordiques. Pour dire que rattrapage ethnique c’est une politique de préférence au même titre que celui de l’ivoirité de Bédié. Comment peut-on appeler cela ? De l’ethnocentrisme ? De la discrimination ? À vous d’y répondre. En tout cas avec Alassane Ouattara, l’on ne parlera plus d’ivoirité ni de patriotisme. La notion d’ivoirité a disparue laissant place au rattrapage ethnique et à l’émergence républicaine. À y voir de près, l’ivoirité de Bédié et le rattrapage d’Alassane Ouattara se ressemblent et s’assemblent, ne dit-on pas qui s’assemble se ressemble. Entre l’idéologie d’ivoirité et la quête identitaire nationale, l’agissement des politiciens ivoiriens confirme la thèse que l’ivoirité n’est une sorte de nationalisme, mais un stratagème pour se faire applaudir par le peuple et par la Communauté Internationale, et surtout pour son propre compte. Comment peut-on comprendre qu’à une époque en France, on demandait aux Français de consommer français, c’est-à-dire les produits français (cela est très normal), et en Côte d’Ivoire, demander aux Ivoiriens de consommer ivoiriens, qu’on trouve cela anormal ? Doit-on changer l’hymne de la Côte d’Ivoire (Fiers Ivoiriens le pays nous appelle) ? N’est-ce pas cette fierté qui fait l’ivoirité ?

     En Côte d’Ivoire, dire à un étranger qu’il est étranger, c’est un crime. C’est un constat général, surtout aux Maliens, aux Guinéens, aux Burkinabès… À ceux ne dit jamais qu’ils sont étrangers. Or en Côte d’Ivoire pour être Ivoirien c’est très simple. L’étranger qui veut être Ivoirien doit épouser les valeurs culturelles de la Côte d’Ivoire et demander la nationalité. Comme il est difficile pour eux de s’adapter aux réalités de la Côte d’Ivoire, de s’intégrer dans le tissu social ivoirien, à la culture ivoirienne, alors ils vont brandir l’ivoirité comme un objet d’exclusion, de xénophobie… En Côte d’Ivoire, les Ivoiriens demandent aux étrangers de reconnaître qu’ils sont étrangers et qu’ils se tiennent hors de la politique de Côte d’Ivoire, ou dans le cas contraire qu’ils demandent la nationalité en se soumettant aux lois du pays. La volonté d’être ivoirien qu’affichent les étrangers, et la volonté des Ivoiriens d’être eux-mêmes en adoptant les étrangers qui veulent être ivoiriens par la législation, c’est ce que l’on appelle ivoirité .

    De ce qui précède, à bien y voir de près, nous comprenons dès lors que l’ivoirité est un bouc-émissaire, parce qu’incomprise de tous et par tous, et utilisée au bon vouloir des politiciens.

     

    Conclusion

     « Un peuple sans histoire est un peuple sans identité », pour dire que ce sont les hommes, parce que partageant la même histoire, les mêmes intérêts,… ont décidé de s’unir pour former ce qu’on appelle nation (Groupe d’homme caractérise par la conscience de son unité [historique, sociale, culturelle] et la volonté de vivre en commun). Une nation a une identité définie sur des valeurs spécifiques, et l’identité de la nation ivoirienne est l’ivoirité. Nier une identité à tout un peuple, c’est considérer ce peuple comme un sous-peuple sans histoire, sans humanité. Et c’est ce qui est arrivé en Côte d’Ivoire avec la politique en faisant de l’ivoirité un instrument d’exclusion, de xénophobie. Nous pouvons dire pour conclure que l’ivoirité a été, est et continue d’être le bouc-émissaire dans les rapports entre les Ivoiriens et les étrangers dû à la mauvaise politique d’intégration et de nationalisation. Il est temps que la Côte d’Ivoire songe à cohabiter la nationalité de sang à la nationalité de sol (est Ivoirien tous ceux qui sont nés sur le sol ivoirien ayant au moins un parent ivoirien) afin de pérenniser l’ivoirité (l’identité nationale de la Côte d’Ivoire).

     

     

     

     

     

     

     

     

    Bibliographie

     

    BÉDIÉ (Henri Konan), Les chemins de ma vie, Paris, Plon, 1999

    CURDIPHE, «L’ivoirité, ou l’esprit du nouveau contrat social du Président H. K. Bédié », Ethnics, n°1, 1996

    DELANNOI (Gil) Destin commun et destin communautaire, de l'utilité de distinguer et de définir nation et nationalisme, Fondation Nationale des Sciences Politiques, Working Paper n.111, Barcelona 1995, p.16

    Du concept d’« ivoirité » d’Houphouët à sa succession, disponible sur http://vuesdumonde.forumatif.com/t353-du-concept-d-ivoirite-3-dhoupouet-a-sa-succsssion

    Du concept d’ «ivoirité », disponible sur http://unevingtaine.wordpress.com/2004/12/13/du-concept-d%E2%80%99%C2%ABivoirite%C2%BB/

    « Ivoirité » et « rattrapage » quel concept préférez-vous ?, disponible sur http:/news.abidjan.net/h/451987.html

    Du concept d’Ivoirité - Un concept français ? http://congovox.blogspot.com/2010/12/du-concept-d-ivoirite-1-un-concept.html

    ELEN (Jolivet), l’ivoirité. De la conceptualisation à la manipulation de l’identité ivoirienne, s/d de Dominique Maliesky, 2002-2003

    FRANCESCA (Poglia Mileti), Construction sociale des catégories d’altérité et identités des populations migrantes. Réflexion théorique et étude de cas, Université de Neuchâtel, 2001, Version électronique (pp. 152-164)

    GOUDÉ (Charles Blé), D’un stade à un autre

    Henri Konan Bédié : « Je ne suis pas l’inventeur de l’ivoirité », disponible sur http://www.africalog.com/news/henri-konan-bedie-%C2%AB-je-ne-suis-pas l%E2%80%99inventeur-de-l%E2%80%99ivoirite-%C2%BB

    L’ivoirité est mal compris, disponible sur http:// www.cooperation.net/jeanmoro/l-ivoirite-est-mal-compris

    L’identité nationale et ivoirité, même combat ? disponible sur http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2009/12/27/1859459_l-identite-nationale-et-ivoirite-meme-combat.html

    Le concept d’ivoirité et son application politique, disponible sur http://tpiot.com/demo_clients/reconcilation/?page_id=21

    Le concept d’ivoirité ou la fonction sélective d’une idéologie, disponible sur http://theses.univlyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2007.camara_m&part=128099

    L'ivoirité, ce vieux démon ressuscité, disponible sur http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2562p034-036.xml0/manifestation-laurent-gbagbo-guillaume-soro-ceil-ivoirite-ce-vieux-demon-ressuscite.html

    RFI-Côte d’Ivoire-Ivoirité : un concept devenu une mine flottante, disponible sur http ://www.rfi.fr/actufr/articles/037/article_19288.asp

    SMITH (Stephen), L'«ivoirité», concept à double tranchant. Il permet de se débarrasser des opposants politiques et des immigrés, disponible sur http://www.liberation.fr/monde/0101301253-l-ivoirite-concept-a-double-tranchant-il-permet-de-se-debarrasser-des-opposants-politiques-et-des-immigres

    SORO (Guillaume), Pourquoi je suis devenu rebelle, la Côte d’Ivoire au bord du gouffre 

     

     


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  •                                                Ma lettre à ma maman

     

                                       Chère Maman Chérie,

                                       En prenant le stylo sur la table d’étude

                                       Et en fouillant dans les affaires pour le papier

                                       J’ai fait tomber une photo de toi, Maman.

                                       Et deux grosses gouttes ont affleuré mes joues.

                                       Eh oui ! Maman, j’ai pleurai de ton absence.

                                       Je me suis souvenu d’une chanson célèbre

                                       Du groupe Sexion d’assaut, et j’ai pleurai.

                                       « Avant qu’elle ne parte, dis-lui que tu l’aimes. »

                                       C’était l’une des paroles du chant de ce groupe.

                                       Et je me suis alors souvenu, Maman,

                                       Que je ne t’ai jamais dit comme il se doit :

                                       « Maman, je t’aime de tout mon cœur. »

                                       Et du stylo et du papier, je t’écris, Maman

                                       Bien qu’il soit vraiment trop tard pour moi

                                       De te dire Maman Chérie, je t’aime infiniment.

                                       Car dans la terre moite, ton corps y est et inerte.

                                       Tout le temps que tu fus avec moi, Maman

                                       Je n’ai fait que saigner ton cœur vibrant d’amour

                                       Pour moi, ton fils fugueur, voyou et idiot.

                                       Pour mes bêtises, tu as été la risée de tous.

                                       Tu as supporté injures et humiliations acerbes.

                                       Parfois, Papa te battait parce que jaloux de ton amour

                                       Pour ton fils que je suis. Et moi, je te riais.

                                       Je t’ai considérée comme toutes les femmes :

                                       Un simple objet de plaisir pour les hommes.

                                       Et pourtant, tu étais mes yeux dans ce monde.

                                       Et pourtant, tu étais mon trésor intarissable.

                                       Et pourtant, tu étais la lampe de ma vie.

                                       Et pourtant, tu étais mon ombre tutélaire.

                                       Et pourtant, tu étais la Muse de mes vers.

                                       Et pourtant, tu n’étais pas ces femmes courtisanes.

                                       Tu étais juste une Maman pour moi, ton fils adulé.

                                       Comme Victor Hugo pour Léopoldine, sa fille

                                       Je ferai le pèlerinage pour te rencontrer.

                                       Et au-dessus de ta sépulture, je te lirai cette lettre.

                                       Et de mes larmes, je m’agenouillerai pour ton pardon.

                                       Et du pardon, je te ferai le serment de dire à mes amis

                                       De dire à leur maman respective avec la plus fort manière

                                       Avant qu’elle ne parte pour l’au-delà pour élire domicile :

                                       « Je t’aime, Maman Chérie, de tout mon être ! »

                                       Maman, bien qu’il soit vraiment trop tard

                                       Reçois sans colère et sans rancœur, ce bouquet

                                       De bruyères en fleurs et de houx vert de mon amour pour toi.

                                                                                      Ton fils qui t’a toujours aimée !


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  • La « nuit », une métaphore obsédante chez Senghor, l’exemple de « Que m’accompagnent Koras et Balafong » et de « Chaka »

     

     

    Adou BOUATENIN

    Maître ès Lettres Modernes

    Université Félix Houphouët Boigny

    Côte d’Ivoire

    diderplacidus@hotmail.fr

     

     

    L’on a toujours considéré Léopold Sédar Senghor comme un poète. Mais qu’en est-il de lui-même dans sa production poétique ? Qu’est-ce qu’il dit de lui-même ? À la lumière de la psychocritique, nous avons essayé de montrer que de façon inconsciente, il a dû dire ce qu’il est. Par la métaphore obsédante de « la nuit », l’image personnelle de Senghor qui se laisse saisir des réseaux associatifs est celle du poète. Comme « la psychocritique travaille sur le texte et sur les mots des textes » et se veut « d’abord une méthode de découverte », nous avons jugé fort utile qu’elle nous fournira quelques éléments de réponses pour expliquer pourquoi Senghor fait recours au mot « nuit » pour se définir comme poète par excellence.

     

    Mots clés : Senghor, Psychocritique, femme, nuit, rêve, mythe personnel

     

     

    Introduction

     

                Un adage en Afrique dit que « la nuit porte conseil ». En croire à cet adage, la nuit serait une personne capable de conseiller. Il s’agit d’une image. La vérité est que la nuit, loin des bruits du jour, des travaux, allongé sur le lit auprès de son/sa conjoint(e), avec les douces caresses, est le moment propice de la réflexion. Dans la prise de décision, le conjoint ou la conjointe joue un rôle primordial, car durant la nuit, il/elle peut permettre à son conjoint ou à sa conjointe d’agencer ses idées confuses de la journée. La nuit, moment favorable de repos, de réflexion, de méditation, d’inspiration, semble-t-il, est le temps de régénérer ses forces. C’est la nuit que les grands artistes travaillent, donnent forme à leur idée.

    Le mot « nuit » et ses variantes sont récurrentes dans les poèmes de Léopold Sédar Senghor. Lire Senghor et ne pas s’en apercevoir est impardonnable. Cette abondance du mot « nuit » a fait dire Michel Hausser que « Senghor s’est fait, légitiment, une réputation de poète de la nuit »[1] Cette présente suscite des interrogations : quelle place occupe la nuit chez le poète ? Que représente la nuit chez Senghor ? Quel impact la nuit a-t-elle sur Senghor ? La nuit est-elle une hantise ou une muse poétique chez Léopold Sédar Senghor ? Etc. Ce que nous savons est donné par Michel Hausser. Il dit « c’est, semble-t-il, à partir de ce caractère qu’il est possible de bâtir un mythe senghorien de la nuit »[2]. Autrement dit, c’est à partir de la présence exhaustive du mot « nuit » dans ses textes poétiques qu’il est possible de bâtir ou d’en déduire le mythe senghorien de la nuit. La nuit, selon le même auteur, est l’emblème de calme, de douceur, de beauté, d’amour et d’authenticité[3]. Qu’en est-il chez Senghor ? À quelle image renvoie le mythe senghorien de la nuit ?

    Ces nombreuses interrogations qui trottinent dans notre tête nous ont amené à formuler le sujet suivant : La « nuit », une métaphore obsédante chez Senghor, l’exemple de « Que m’accompagnent Koras et Balafong » et de « Chaka ». 

    Pour ce présent travail nous ferons appel à la psychocritique. La psychocritique, parce qu’elle « consiste à étudier une œuvre ou un texte pour relever des faits et des relations issus de la personnalité inconsciente de l’écrivain ou du personnage. En d’autres termes, la psychocritique a pour but de découvrir les motivations psychologiques inconscientes d’individu, à travers ses écrits ou ses propos[4] Elle se veut donc une méthode d’analyse littéraire et scientifique, car ses recherches sont fondées essentiellement sur les textes et aussi parce que sa méthode est basée sur la psychanalyse de Freud et de ses disciples.

    Pour Charles Mauron, « la psychocritique travaille sur le texte et sur les mots des textes »[5], et le critique qui use de cette méthode ne doit pas s’éloigner du texte.

          Le psychocritique, pour sa part, ne perd pas les textes de vue. Il s’est promis d’en accroître l’intelligence et ne réussira que si son effort y rencontre celui des autres disciplines critiques.[6]

     

    La présence de ces relations appelées « métaphores obsédantes » va constituer ce que Charles Mauron appelle le « mythe personnel » de l’écrivain. Le mythe personnel est « l’expression de la personnalité inconsciente et de son évolution » de l’écrivain dans son texte. En d’autres termes, le mythe personnel est l’image que l’écrivain se construit de façon inconsciente dans son œuvre ou dans son texte, et qui permet de saisir sa personnalité (qui laisse transparaître la nature de sa personne). Pour aboutir au mythe personnel de l’écrivain ou du poète, il faut rechercher dans le texte ou à travers l’œuvre comment se répètent et se modifient les réseaux, groupements ou d’un mot plus général, nous dira Charles Mauron.

                On cherche, à travers l’œuvre du même écrivain, comment se répètent et se modifient les réseaux, groupements ou d’un mot en général, les structures révélées par la première opération […] ; la seconde opération combine ainsi l’analyse des thèmes variés avec celle des rêves et de leurs métamorphoses. Elle aboutit normalement à l’image d’un mythe personnel.[7]

    La première opération consiste donc en une superposition des textes du même auteur pour faire apparaître des réseaux d’associations ou des groupements d’images obsédantes et probablement involontaires. De ce fait, la psychocritique nous fera comprendre la personnalité inconsciente de Senghor et les fondements ou les mobiles de l’obsession de certains thèmes qui font penser à la hantise ou la muse poétique. La psychocritique nous fournira également les clés pour expliquer pourquoi Senghor fait recours au mot « nuit ».

    En tout cas, il semble évident que c’est l’explication psychanalytique que nous pouvons comprendre les raisons qui ont amené Senghor à abonder ses textes poétiques du syntagme « nuit ». En effet, la psychocritique accroît « notre intelligence des textes littéraires en y discernent d’abord, pour les étudier ensuite, les relations dont la source doive être raisonnablement recherchée dans la personnalité inconsciente de l’autre, faute de la pouvoir trouver dans sa volonté ou dans le hasard[8] En plus, le poète ou l’écrivain, en écrivant, n’est pas conscient des mots répétés ou des mots qui reviennent de façon récurrente sous sa plume dans son texte.

          L’écrivain n’a conscience que de leur adaptation à sujet actuel. Il ignore l’origine profonde et personnelle de leur répétition.[9]

     

    Et comme la psychocritique se veut « d’abord une méthode de découverte »[10], nous avons jugé bon de l’appliquer sur les textes poétiques de Senghor pour découvrir l’impact de la nuit sur lui et sur ses productions poétiques.

    De ce fait, avec la psychocritique, nous montrerons que la nuit est avant tout une hantise chez Senghor avant d’être une muse poétique.

     

    1-      La nuit, hantise ou poétique chez Senghor

     

                La hantise est une sorte d’obsession, souvenir involontaire ou obstiné d’une chose ou de quelqu’un qui nous hante. Dans Que m’accompagnent Koras et Balafong, la hantise de la nuit chez Senghor se justifie. Loin de l’Afrique, du Sénégal, Senghor se souvient des « nuits » ou son oncle Tokô’Waly lui contait ou l’expliquait les mystères de son village :

     

    Tokô’Waly mon ocle, te souviens-tu des nuits de jadis

    quand s’appésantissait ma tête sur ton dos de patience

    Ou que me tenant par la main, ta main me guidait par

          ténèbres et signes ? (p.34)

     

    Étant étudiant en France, il remarqua que les nuits d’Afrique sont différentes des nuits de France : « Nuit d’Afrique ma nuit noire, mystique et claire et brillante » (p.35). Il a alors la nostalgie des nuits d’Afrique. Il s’enferma dans sa chambre étudiante pour composer, sans doute, ses textes poétiques pour échapper à la raison hellène.

     

    Nuit qui délivre des raisons des salons des sophismes,

          Des pirouettes des pretextes, des haines calculées des car-

          Nages humanisés (p.35)

     

    La nuit apparaît dès lors comme une échappatoire, un moyen de se libérer de cette nostalgie. C’est, peut-être, en voulant retrouver les nuits d’Afrique en France que Senghor s’est mis à l’écriture poétique. De la hantise, la nuit serait une source d’inspiration, une source de création poétique, une muse poétique, pour ainsi dire.

                Dans Chaka, la nuit n’est pas un moment propice à la douceur ni à la composition poétique, mais un moment de trouble, de peur : « … Le pouls fiévreux de la nuit ! » (p.119) ; « cette longue nuit sans sommeil… » (p.119). C’est durant la nuit que Chaka tua « Nolivé aux bras de boas, aux lèvres de serpent-minute » de ses propres mains. Et chaque nuit, Chaka entend « le roucoulement au matin de Nolivé », c’est-à-dire la voix matinale de Nolivé. Il n’arrive pas à dormir à force de sentir la présence de Nolivé. Il manque de sommeil, et la nuit devient une hantise. À vrai dire c’est Nolivé qui est son hantise. Il doit veiller malgré lui : « Et nous voilà debout aux porte de la Nuit, buvant des contes très anciens et mâchant des voix blanches » (p.129). La nuit, Chaka se souvient de Nolivé, il se voit donner la mort à Nolivé « d’une main sans tremblement » (p.117). Le spectre de Nolivé le hante à tel point de se donner la mort : « Ô ma fiancée, j’ai longtemps attendu cette heure » (p.125). Ce vers est repris à la page 127 : « Ô ma fiancée, j’ai longtemps attendu cette heure » pour insister sur l’empressement de finir avec l’emprise de la nuit sur lui.

    Si l’on considère que Senghor est Chaka, alors nous pouvons dire que la nuit est plutôt une hantise que muse poétique chez Senghor.

     

    2-      La « Nuit », métaphore obsédante de la femme chez Senghor

     

                L’on sait que Senghor s’est fait « une réputation de poète de nuit »[11]. Cependant, il convient de mettre à nu l’image obsédante ou la métaphore obsédante à laquelle renvoie l’emploi de « nuit » dans ses textes poétiques. Dans notre corpus, Senghor s’approprie la nuit. La nuit devient sa propriété, sa chose. En effet, par l’emploi de l’adjectif « ma », Senghor montre que la nuit est inhérente à sa nature : « O ma nuit ! O ma Noire ! Ma Nolivé » (Chaka)/« Nuit d’Afrique, ma nuit, mystique et claire noire et brillante » (Que m’accompagnent Koras et Balafong).

    Dans ces extraits ci-dessus, nous constatons que l’évocation de la nuit est renforcée par une autre évocation, en occurrence par l’évocation d’une personne féminine. Ce qui suppose que la nuit égale à la femme (Nuit = Femme). Autrement dit la nuit en tant que objet qu’il possède est en fait une personne. Ce qui laisse dire que la nuit est l’image de la femme.

                Dans Chaka,, lorsque le poète Senghor/ Chaka évoque la nuit, c’est à Nolivé qu’il songe. Le réseau associatif de la nuit dans Chaka se constitue de « O ma Nuit ! O ma Noire ! ma Nolivé », « O ma Nuit ! ô ma Blonde ! ma lumineuse sur les collines », « Que de cette nuit blonde- ô ma Nuit ô ma noire ma Nolivé ». Dans ce réseau associatif, comme le disons tantôt, la Nuit est une autre désignation de Nolivé, et elle est matérialisée par la lettre majuscule de « N ». Dans ce réseau associatif, il y a aussi le mot « Noire » qui y revient. Autrement dit, Senghor établit un rapport entre Nuit et Noire. Dans la nuit, il y a le sème de l’obscurité, du noir. La Nuit, la Noire, c’est la même chose ou les deux faces d’une même réalité. Nous comprenons alors l’emploi des variantes de nuit : « Obscur dans le jour », « la splendeur noire », etc. Nolivé est une Africaine, pour dire l’image obsédante que ressort de ce réseau associatif est l’image de la femme africaine. Cependant, à y voir de près, l’on constate que l’emploi de « Nuit » implique une corrélation systématique de « blonde » ce qui vient fausser notre analyse. Alors il convient d’établir le réseau associatif de « blonde » et de le superposer à celui de « nuit ». Le réseau associatif de « blonde » est le suivant : « O ma Nuit ! ô ma Blonde ! ma lumineuse sur les collines », « Que de cette nuit blonde – ô ma Nuit ô ma Noire, ma Nolivé », « la nuit diamantine », « ô ma Blonde », « chair noire de lumière ». Ce réseau associatif trouve son sens de l’explication que nous avons donné de ce syntagme nominal « Ma Négresse blonde » (p.129)

     

          L’emploi de « Négresse » renvoyant à l’Afrique, et de « blonde » à l’Europe […] ; le poète met en relief deux cultures opposables. […] En effet, le nominal « Négresse » renvoie à ce qui est propre aux Nègres, et par extension à l’Afrique. Quant à l’adjectif « blonde », il renvoie à tout ce qui est propre aux Blancs, et par ricochet à l’Europe.[12]

     

    Nous voyons par cette explication que le syntagme nominal essaie d’associer deux images féminines, l’une négresse et l’autre blonde. Nous voyons également que le premier réseau associatif est modifié par le second réseau, à telle enseigne que la superposition de ces deux réseaux associatifs donne une et une seule métaphore obsédante. Ce n’est plus la femme africaine mais une femme métissée qui est la métaphore obsédante. Cette métaphore obsédante renvoie à l’image de Ginette Éboué[13]. Même si les critiques pensent que Senghor a supprimé les textes les plus transparents qui laissent voir le lien entre sa première femme[14], nous pensons de façon inconsciente l’image de cette dernière se lit bien dans ses poèmes. Elle serait donc à la fois une hantise et une muse poétique chez Senghor.

                Dans Que m’accompagnent Koras et Balafong, le réseau associatif de nuit est constitué de « Nuit d’Afrique », « ma Beauté noire », « ma Nuit noire », « ma Noire », « ma Nue ». Ce réseau associatif renvoie à l’image de Soukeïna, la sœur, sans doute, du poète :

     

    -          un baiser de toi Soukeïna !- ces deux mondes antagoniste

    Quand douloureusement-ah ! je ne sais plus

    Qui est ma sœur et qui est ma sœur de lait (p.28)

     

    L’évocation de « Isabelle », considérée comme une Européenne, vient mettre en doute la véracité de nos propos. Est-ce Isabelle ou Soukeïna que le poète fait-il allusion ? Isabelle n’est-elle pas Colette, sa seconde épouse ?

     

    « Oui, j’assume mon amour pour cette femme blanche, je suis son prince, elle est ma princesse de Belborg, nous vivons et exemplifions le dialogue de deux cultures. C’est une belle histoire d’amour…et l’emblème du métissage qui sera la loi de demain »[15].

     

    Nous ne sommes pas situés. Dans tous les cas, Soukeïna ou Isabelle, Ginette Éboué ou Colette, toutes deux sont des femmes. Et ce sont elles qui bercent les nuits du poètes Senghor.

     

    De celles qui bercèrent mes nuits de leur tendresse rêvée

          De leurs mains mêlées (p.28)

     

                Soukeïna n’est-elle pas Ginette Éboué, sa « Nuit, [sa] Nolivé », chantée dans Chaka ? Et Colette n’est-elle pas aussi sa « Nuit, … [sa] Blonde ! [Sa] lumineuse sur les collines », magnifiée dans Chaka ? À ces interrogations, nous pouvons dès lors affirmer, quelle que soit la femme chantée dans les deux poèmes, et désignée par les réseaux associatifs, que c’est l’image de la femme en général qui est mise en évidence. La femme est la métaphore obsédante chez Senghor et sujet de réflexion.

                La femme, qu’elle soit Africaine ou Européenne, Ginette Éboué ou Colette Hubert, est une fois de plus chantée par un poète, en occurrence Léopold Sédar Senghor. La femme est chez ce dernier une hantise et une muse poétique. Hantise parce que la femme est obscure, c’est-à-dire difficile à cerner, à connaître, à comprendre, elle est un mystère à découvrir. L’on comprend alors les raisons pour lesquelles la femme est désignée par la « nuit ». Muse poétique, parce qu’elle est une beauté. Cependant, la nuit, dans l’œuvre de Senghor, a une autre dimension. Elle serait un moment d’amour et de fécondité, mieux moment de création poétique.

     

    3-       La nuit, moment de création poétique

     

                Dans Que m’accompagnent Koras et Balafong, et Chaka, nous avons dit que la Nuit est l’image de la femme chantée par Senghor ; qu’elle est désignée par la Nuit, parce qu’elle est en réalité obscure en elle-même. Cependant, une relecture de ces deux poèmes avec la même méthode d’analyse montre que la Nuit serait un moment de création poétique chez Senghor, un lieu propice pour écrire ses poèmes. La nuit est « l’artéfact » pour accéder à la connaissance, à la muse poétique. Bien qu’il soit vrai que « c’est la nuit que le sommeil engendre des rêves ou des cauchemars, des monstres ou des illuminations, abîmant l’esprit en des chimères merveilleuses qui égarent »[16], il faut, cependant, reconnaître aussi que c’est pendant la nuit que l’on s’adonne véritablement à la réflexion car tout est calme, tout dort, et l’on peut se libérer des fardeaux de la journée.

                Le réseau associatif de la nuit lié à la réflexion dans Que m’accompagnent Koras et Balafong est constitué de « Nuit qui me délivre des raisons des salons, des sophismes, des pirouettes des prétextes des haines calculés des carnages humanisés », « Nuit qui fonds toute ma contradiction, toutes contradictions dans l’unité première de ta négritude » (p. 35). À travers ce réseau associatif, la métaphore obsédante qui se lit est celle du repos : « délivre », « fonds ». De ces verbes mots, il ressort le sème de repos. Occuper la journée, la nuit nous permet de se libérer des travaux du jour, donc de se reposer. Autrement dit, toute la journée, nous avons utilisé la force, et la nuit venue, nous devons amollir cette force ou la récupérer, donc de se reposer et de se consacrer à l’amour : « Dormez, les héros, en ce soir accoucheur de vie, en cette nuit de gradeur » (p.31).

                Dans Chaka, le réseau associatif est constitué de « la nuit diamantine », « cette nuit d’amour sans fin», « chante la Nuit », « aux portes de la Nuit », « l’amant de la Nuit ». Par ce réseau associatif, nous voyons que le poète fait l’éloge de la nuit. Il semble que la nuit, pour lui, l’expérience la plus intense pour accéder à l’infini, à l’imagination : « Voix Voix blanche de l’Outre-mer, mes yeux de l’intérieur éclairent la nuit diamantine » (p.117). De ce réseau associatif, nous pouvons dire que Senghor fait l’amour avec la nuit. Il y a, en effet, un phénomène d’accouplement qui se lit à travers ce réseau. Illustrons nos propos par un schéma.

    Chante la Nuit                                               Cette nuit d’amour

     

    Aux portes de la Nuit                                    l’amant de la Nuit

    De ce schéma, plusieurs lectures sont possibles, néanmoins nous en proposons une : l’amant, le soir venant (aux portes de la Nuit) chante (la Nuit) car cette nuit est une nuit d’accouplement (d’amour). Or chez Senghor, la femme à accoupler n’est que le poète lui-même : «  […] le poète est comme une femme en gésine : il lui faut enfanter »[17]. Ici, l’on peut s’arrêter sur l’image et dit avec raison, comme Stanislas Adotevi[18], que ce Senghor est un « baiseur ». Or ce que l’on oublie, c’est que la poésie peut vouloir dire quelque chose à première vue et dire autre chose après une vue minutieuse, ou dire à la fois quelque chose et son contraire, car les mots de la poésie sont chargés de sens et de significations. À ce propos, citons Senghor.

          Les mots, presque toujours concrets, sont enceintes d’images, l’ordonnance des mots dans la proposition dans la phrase y obéit à la sensibilité plus qu’à l’intelligibilité, aux raisons du cœur plus qu’aux raisons de la raison.[19]

     

    Et comme « les mots sont enceintes d’images », il faut les accoupler, et le moment propice pour le faire est bien sûr la nuit. Senghor ne dit autre chose que la création poétique qui se lit dans ses poèmes.

                Lorsque ce réseau est associé à celui de Que m’accompagnent Koras et Balafong, il apparaît clairement que la nuit est un moment d’amour et de fécondité, et il semble que l’image obsédante est celle d’un « baiseur ». Oui ! Senghor, ce « baiseur », fait l’amour avec les mots, s’accouple avec eux pour enfanter le poème, pour donner vie aux mots[20]. Tout est clair. Senghor se présente comme poète par excellence[21], et la nuit est sa prédilection. Il est l’amant des Muses : « le créateur des paroles de vie », « Le poète du Royaume d’enfance », « Bien mort le politique, et vive le Poète ! », « les yeux de l’Amant » (Chaka)/ « Les poétesses du sanctuaire m’ont nourri », « Les griots du Roi m’ont chanté la légende véridique de ma race aux sons des hautes kôras », « De nouveau je chante un noble sujet » (Que m’accompagnent Koras et Balafong ». C’est cette métaphore obsédante qui se dégage de la superposition des deux réseaux associatifs.

    À ce stade de notre analyse, il reste la vérification de nos résultats avec la biographie ou la vie du poète. Or tel n’est pas le cas dans ce travail. Ce qui veut donc dire que notre travail est inachevé. À l’heure actuelle, la vérification des résultats avec la vie de l’auteur ne s’avère pas trop nécessaire, car savons-nous tous que Senghor a abandonné la politique pour se consacrer à la poésie.

     

     

     

    Conclusion

     

                Que devons-nous retenir ? De ce travail, nous avons deux images obsédantes. D’abord, la première image renvoie à celle de la femme, et enfin, la seconde celle de l’amant des Muses. Un rapprochement des deux images montre que la femme est aussi les Muses, parce que toutes deux féminines (Femme= Muses), autrement dit, Femme et Muse désignent une et une seule réalité : l’inspiration. Donc à la question de savoir si la nuit est une hantise ou Muse poétique, nous pouvons répondre, comme nous sommes au terme de notre analyse, que la nuit chez Senghor est une muse poétique, et dans la même perception que Michel Hausser, affirmer que le mythe personnel de Senghor est le poète de nuit ou le poète de la nuit.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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                            Littérature, 1964 et 1973, 254 p.

     

     

     


    [1] Michel HAUSSER, Pour une poétique de la négritude, Tome I, Silex/CEDA, p.219

    [2] Idem, p.282

    [3] Ibidem, p.339

    [4] Léandre SAHIRI, À propos de « Deuxième épitre à Laurent Gbagbo » de Tiburce Koffi : les mots utilisés par Tiburce Koffi sont à la limite de l’injure proférée à l’égard de M. Laurent Gbagbo

    [5] Charles MAURON, op. Cit. , p.10

    [6] Idem, p.25

    [7] Charles MAURON, Psychocritique du genre comique, José Corti, Paris, 1964, p.142. Il résume les différentes opérations qui composent la méthode de la psychocritique.

    [8] Idem, p.141

    [9] op.cit., p.80

    [10] op.cit. p.335

    [11] Michel HAUSSER, op. cit.

    [12] Adou BOUATENIN, La poétique de la Francophonie dans deux poèmes de Senghor : « Que m’accompagnent Koras et Balafong », et « Chaka », Mémoire de Master 2, Université Félix Houphouët Boigny, 12 novembre 2014, [sous la direction de N’guettia Kouadio Martin]

    [13] Première femme du poète Senghor. Elle est Guyanaise, or la population Guyanaise s’avère extrêmement métissée.

    [14] « C’est possible mais ce qu’il y a de sûr, c’est que Senghor a supprimé les textes les plus transparents réduisant ainsi, le plus possible, le lien entre sa première femme et la figure de la femme noire. », Entretien de Mongo-Moussa avec Daniel Delas, « Ne prenons pas Senghor pour ce qu’il n’est pas ! », Africultures, disponible sur http://www.africultures.com/php/?nav=article&no=5900

    [15] Senghor, cité par Delas. Idem

    [16] Corinne BAYLE, « Pourquoi la nuit ? »

    [17] Léopold Sédar SENGHOR, postface de l’ÉTHIOPIQUES, « comme les lamantins vont boire à la source », p. 154

    [18] Stanislas ADOTEVI, Négritude et négrologues, Paris, Union générale d’édition, 1972

    [19] Léopold Sédar SENGHOR, « Le français, langue de culture », Esprit, 19622, p.839

    [20] Jacques CHARPENTREAU, Préface du livre : "La ville en poésie", Édition Gallimard, collection Folio Junior en Poésie. (1979)

    [21] Je vous invite à vous référer à l’étymologique du mot « poète » qui vient de poiein et qui renvoie aux mots tels que créer, fabriquer, inventer


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  • La psychocritique de Charles Mauron

     

    Adou BOUATENIN

    Maître ès Lettres Modernes

    Université Félix Houphouët Boigny

    Côte d’Ivoire

    diderplacidus@hotmail.fr 

     

     

    Nous voulons par cette présente étude « ressusciter » la méthode d’analyse de Charles Mauron qui est longtemps restée en veilleuse, car elle nous paraît une méthode féconde, susceptible de donner une nouvelle lecture des œuvres littéraires.

     

    Mots clés : Charles Mauron, Psychocritique, métaphore obsédante, réseaux obsédants, mythe personnel

     

     

    Introduction

     

                Le travail scientifique requiert une démarche méthodologique en fonction des résultats ciblés. Aussi, l’étude d’une œuvre poétique ou d’un poème peut être abordé(e) de multiple façons, dont certaines semblent faites pour permettre d’en élucider la signification ; d’autres l’articulation du texte ou d’étudier les principes grammaticaux, sémantiques, pragmatiques, phoniques, prosodiques, morphologique du poème. Il convient donc à l’exégète de choisir le plus souvent les outils en fonction de sa culture théorique qu’il adapte à son objet d’étude, au poème ou à l’œuvre poétique qu’il veut élucider. Autrement dit, c’est l’exégète qui construit son objet par rapport à son objectif, car il sait d’avance que le poète est un artiste qui travaille avec les mots d’abord, mais aussi avec sa sensibilité, sa perception du monde, et la connaissance qu’il en a, tout en laissant transparaître sa personnalité. Étant donné que « la poésie, comme le rêve, constitue une voie de passage entre conscience et inconscient »[1], et qu’elle (la poésie) est caractérisée par une double structuration[2], nous avons donc opté pour la psychocritique. La psychocritique, parce qu’elle « consiste à étudier une œuvre ou un texte pour relever des faits et des relations issus de la personnalité inconsciente de l’écrivain ou du personnage. En d’autres termes, la psychocritique a pour but de découvrir les motivations psychologiques inconscientes de l’individu, à travers ses écrits ou ses propos.»[3] Elle se veut donc une méthode d’analyse littéraire et scientifique, car ses recherches sont fondées essentiellement sur les textes et aussi parce que sa méthode est basée sur la psychanalyse de Freud et de ses disciples.

          La psychocritique se veut une critique littéraire et scientifique, partielle, non réductrice. Littéraire, car ses recherches sont fondées essentiellement sur les textes ; scientifique, de par son point de départ (les théories de Freud et de ses disciples) et par sa méthode empirique (Mauron se réclame de la méthode expérimentale) ; partielle, puisqu’elle se limite à chercher la structure phantasme inconsciente, non réductrice, car Mauron attribue au mythe personnel une valeur architecturale, il le compare à une crypte sous une église romane.[4] 

    C’est à Charles Mauron (1899-1966) que revient le mérite d’avoir élaboré une méthode d’approche psychologique des textes littéraires appelée psychocritique[5]. Pour Charles Mauron, « si l’inconscient s’exprime dans les songes et les rêveries diurnes, il doit se manifester aussi dans les œuvres littéraires ». C’est ainsi qu’il décida d’étudier la personnalité de l’auteur à travers les œuvres de ce dernier. Qui est donc Charles Mauron ? Qu’est-ce que la psychocritique ? Pourquoi la psychocritique ? Et comment fonctionne la psychocritique ?

    Notre intrusion dans ce champ d’explication battu et rebattu par des critiques n’est sans justification, car elle se veut une actualisation des critiques déjà faites. Nous voulons par cette présente étude « ressusciter » la méthode d’analyse de Charles Mauron qui est longtemps restée en veilleuse, car elle nous paraît une méthode féconde, susceptible de donner une nouvelle lecture des œuvres littéraires. 

     

     

    1-      Qui est Charles Mauron ?

     

                Charles Mauron est un français, né à Saint-Rémy-de-Provence en 1899. Il meurt dans un accident de voiture en 1966. Après des études scientifiques à la faculté de Marseille, il devient assistant de chimie en 1921. Mais la détérioration de sa vue le contraint à se retirer à la campagne et à se convertir à d'autres intérêts. Il s'intéresse d'abord à l'esthétique. Son excellente connaissance de l'anglais le conduit à traduire de nombreux ouvrages, Les Sept Piliers de la sagesse de T. E. Lawrence, Orlando de Virginia Woolf, des textes de D. H. Lawrence, K. Mansfield, Forster ou Fry. Il se lie à des auteurs anglo-saxons et il collabore à leurs revues. Ainsi, pendant les années qui précèdent la deuxième guerre mondiale, il acquiert une certaine notoriété en Grande-Bretagne alors que les poèmes qu'il publie à Paris ne recueillent qu'un succès assez modeste en dépit de leur beauté (Poèmes en prose, 1930 ; Esquisse pour le tombeau d'un peintre, 1938). C'est cependant au cours de cette période qu'il met au point la psychocritique, sa contribution principale à la littérature. Cette méthode a eu un succès considérable dans les années 1940-1950.

     

     

     

     

    2-      Charles Mauron et la psychocritique

     

                En 1938, Charles Mauron constata la présence, dans plusieurs textes de Mallarmé, un réseau de métaphores obsédantes, et en 1954, à propos de Racine, il formula l’hypothèse d’un mythe personnel propre à chaque écrivain.

          C’est en 1938 que je constatai la présence, dans plusieurs textes de Mallarmé, d’un réseau de « métaphores obsédantes ». Nul ne parlait alors, en critique littéraire, de réseaux et de thèmes obsédants, expressions maintenant banales. En 1954, et à propos de Racine, je formulai l’hypothèse d’un « mythe personnel » propre à chaque écrivain et objectivement définissable. En ces deux dates, je n’ai cessé d’interroger des textes. Ainsi s’est formée la méthode psychocritique. L’ayant mise à l’épreuve plusieurs années encore, je la tiens aujourd’hui pour un instrument de travail utile.[6]

     

    De ce fait, il proposa une méthode d’analyse inspirée par la psychanalyse à partir des thèses de Roger Fry. Pour Charles Mauron, « la psychocritique travaille sur le texte et sur les mots des textes »[7], et le critique qui use de cette méthode ne doit pas s’éloigner du texte.

          Le psychocritique, pour sa part, ne perd pas les textes de vue. Il s’est promis d’en accroître l’intelligence et ne réussira que si son effort y rencontre celui des autres disciplines critiques.[8]

     

    Dans Mallarmé l'Obscur (1938), il énonce ses premières découvertes ; le livre passera inaperçu jusqu'à la fin de la guerre. Il introduit une nouvelle lecture du texte littéraire auprès de l'histoire et de la linguistique : c'est, selon sa propre définition, « isoler et étudier, dans la trame du texte, des structures exprimant la personnalité inconsciente de l'écrivain ». Pour mener à bien une telle étude, la psychanalyse, dont Mauron s'inspire, dispose de la méthode de l'association libre ; la psychocritique lui substituera la superposition des œuvres comme moyen de repérer le réseau élémentaire de ces structures latentes dans leur unité sous-jacente. Superposant divers poèmes de Mallarmé, il découvre ces métaphores et les « constellations » qu'elles organisent, toutes choses qu'une meilleure biographie du poète confirmera par la suite. Il s'agit là avant tout d'une façon de lire, non de déchiffrer ou d'interpréter. En effet, La psychocritique se propose de déceler et d’étudier dans les textes les relations qui n’ont probablement pas été pensées et voulues de façon consciente par l’auteur mais qui y sont, et qui ont une importance dans la compréhension du texte voire de l’écrivain lui-même. La présence de ces relations appelées « métaphores obsédantes » va constituer ce que Charles Mauron appelle le « mythe personnel » de l’écrivain. Le mythe personnel est « l’expression de la personnalité inconsciente [de l’écrivain] et de son évolution »[9] dans son texte. En d’autres termes, le mythe personnel est l’image que l’écrivain se construit de façon inconsciente dans son œuvre ou dans son texte, et qui permet de saisir sa personnalité (qui laisse transparaître la nature de sa personne). Pour aboutir au mythe personnel de l’écrivain ou du poète, il faut rechercher dans le texte ou à travers l’œuvre comment se répètent et se modifient les réseaux, les groupements d’un mot.

     

     

     

    3-      Pourquoi la psychocritique ?

     

                Charles Mauron veut tenter d’objectiver les données des textes littéraires pour que les critiques ne travaillent plus seulement à l’intuition mais qu’ils tiennent compte de l’apport des sciences contemporaines et donc, essentiellement de la psychologie freudienne. En effet, la psychocritique accroît « notre intelligence des textes littéraires en y discernent d’abord, pour les étudier ensuite, les relations dont la source doive être raisonnablement recherchée dans la personnalité inconsciente de l’auteur, faute de la pouvoir trouver dans sa volonté ou dans le hasard[10] En plus, le poète ou l’écrivain, en écrivant, n’est pas conscient des mots répétés ou des mots qui reviennent de façon récurrente sous sa plume dans son texte.

          L’écrivain n’a conscience que de leur adaptation à son sujet actuel. Il ignore l’origine profonde et personnelle de leur répétition.[11] 

     

                Aussi, selon Charles Mauron, un texte est l’expression de l’inconscient. C’est donc la pensée claire et consciente d’un auteur mais aussi toute une pensée qui appartient à l’inconscient. Ce dernier est donc largement à l’œuvre dans le texte tout en échappant à l’auteur. L’auteur met donc dans son texte bien plus qu’il ne le pense. Cet inconscient qui renvoie au vécu de l’auteur ne parle pas de façon claire. Sa méthode a pour but de nous faire réfléchir sur qu’est-ce que lire un texte littéraire ? Le texte littéraire est donc un texte qui dépasse énormément ce que l’auteur a voulu consciemment écrire. Car, c’est une projection de tout une partie qui échappe à l’auteur. La caractéristique de tout texte littéraire est l’expression d’un inconscient. Une des conséquences est que pour lire correctement un texte littéraire il faut le décoder car l’inconscient ne s’exprime pas de façon claire, il parle par symbole, par image : tout un langage secret donc, il faut une méthode adaptée car on fait plus qu’une simple lecture. Et la méthode adaptée n’est pas sans lien avec celle utilisée par un psychanalyste pour tenter de décoder les rêves, d’où la proposition de la psychocritique ; mise en vedette dans son livre phare Des métaphores obsédantes au mythe personnel (1963).

    Charles Mauron insiste sur le fait que cette méthode est avant tout une méthode de lecture littéraire pour mieux aimer et comprendre un texte ce n’est donc pas l’occasion de psychanalyser un auteur. 

          Le psychocritique n’est pas un thérapeute. Il ne songe pas à guérir. Il ne pose ni diagnostic, ni pronostic. Il isole dans l’œuvre, les expressions probables de processus inconscients, en étudie les formes et l’évolution, et tâche de les relier aux résultats acquis par ailleurs.[12]

     

    Cette méthode se réalise en quatre temps, quatre opérations où il s’agit de faire parler le texte, pour voir ce que le lecteur ordinaire n’est pas capable de voir.

     

     

     

    4-       Comment fonctionne la psychocritique ?

     

                La méthode psychocritique comporte quatre opérations successives : la superposition de plusieurs textes d’un auteur pour relever les éléments récurrents ; le réseau obsédant qui met en évidence le « mythe personnel » de l’auteur ; le mythe personnel qui se lit à travers les mots, les expressions, les images qui reviennent de manière consciente ou inconsciente sous la plume de l’auteur (les métaphores obsédantes) ; la biographie de l’auteur qui vient à point nommé dans un but de contrôle des résultats acquis… C’est-à-dire on cherche, à travers l’œuvre du même écrivain, comment se répètent et se modifient les réseaux, groupements ou d’un mot en général, les structures révélées par la première opération […] ; la deuxième opération combine ainsi l’analyse des thèmes variés avec celle des rêves et de leurs métamorphoses. Elle aboutit normalement à l’image d’un mythe personnel ; la troisième opération est la phase de l’interprétation du réseau obsédant pour mettre en évidence le mythe personnel de l’auteur ; la dernière opération vient justifier les résultats acquis par l’étude de l’œuvre, c’est une sorte de comparaison avec la vie de l’écrivain.[13]

                Soyons plus explicite. Pour ce faire, il faut superposer des textes, d’un même auteur, [très différents tant par l’époque de rédaction que par le style (roman, théâtre, poésie...)]. Si on les superpose on voit apparaître un réseau que l’on ne doit, a priori, pas attendre. Un réseau qui a une forme obsédante, qui revient inconsciemment dans toute l’œuvre. Il s’agit donc de faire apparaître des choses qu’on ne voit pas à la première lecture. Selon Charles Mauron, il ne faut pas se contenter des réseaux mais les regrouper entre eux afin de former des associations complexes pour dessiner une figure, appelée métaphore obsédante. On les voit donc apparaître, elles expriment des situations dramatiques (elles jouent une histoire) à qui on donne le nom « mythe ». Un mythe est une structure poétique, une histoire poétique qui dit de manière symbolique une vérité profonde, et il est personnel, propre à chaque écrivain. Chez Charles ce mythe est appelé Mythe Personnel.  Nous disons de ce mythe qu’il « est l’image que l’écrivain se construit de façon inconsciente dans son œuvre ou dans son texte, et qui permet de saisir sa personnalité (qui laisse transparaître la nature de sa personne) »[14]. C’est l’histoire que raconte la structure de son inconscient, mieux c’est « le phantasme le plus fréquent chez un écrivain ou mieux encore l’image qui résiste à la superposition de ses œuvres »[15]. Mais, cette histoire serait racontée de manière imagée. Repérer le mythe personnel, c’est repérer quelle histoire jouent les figures et ce qu’elles signifient. Grâce à elles, on pourrait suivre les étapes d’un mythe et d’un drame personnel. Les figures sont révélatrices du drame originel de l’écrivain et de la manière dont il a vécu ce drame au cours de sa vie. Ce mythe évolue dans le temps et raconte comment l’écrivain a été peu à peu débordé par son drame. La méthode de Charles Mauron ne commence pas par l’étude de la biographique mais se termine par son étude. La vie de l’écrivain n’est là que pour vérifier ce qui a été traduit par l’analyse des textes. Il s’agit de confronter le texte à la biographie après son étude.

     

     

     

    Conclusion

     

                La psychocritique se veut une critique littéraire, scientifique, partielle, non réductrice. Littéraire, car ses recherches sont fondées essentiellement sur les textes ; scientifique, de par son point de départ (les théories de Freud et de ses disciples) et de par sa méthode empirique (Mauron se réclame de la méthode expérimentale de Claude Bernard) ; partielle, puisqu’elle se limite à chercher la structure du phantasme inconscient ; non-réductrice. La psychocritique est donc la méthode d’analyse inspirée par la psychanalyse et illustrée par Charles Mauron, à partir des thèses de Roger Fry. C’est aussi une méthode d’analyse qui consiste à étudier une œuvre ou un texte pour relever des faits et des relations issus de la personnalité inconsciente de l'écrivain ou du personnage. En d’autres termes, la psychocritique a pour but de découvrir les motivations psychologiques inconscientes d’un individu, à travers ses écrits ou ses propos. Et le psychocritique, pour sa part, ne perd pas les textes de vue, car il s’est promis d’en accroître l’intelligence et ne réussira que si son effort y rencontre celui des autres disciplines critiques. 

     

     

     

    Bibliographie

     

    BERNADET (Arnaud), Pour une « rhétorique profonde », Université de Franche-Conte

                            Centre « Jacques Petit », 2004

    BOUATENIN (Adou), La poétique de la Francophonie dans deux poèmes de Senghor :

                             « Que m’accompagnent Koras et Balafong », et « Chaka », Mémoire de

                            Master 2, Université Félix Houphouët Boigny, 12 novembre 2014, p. 120,

                            [sous la direction de N’guettia Kouadio Martin]. Mémoire édité par les

                            Éditions Universitaires Européennes le 23 mars 2015 avec pour titre La

                            poétique de la Francophonie, 129 p. ISBN : 978-3-8381-8277-3

    KÉÏTA (Mohamed), Approche psychocritique de l’œuvre romanesque de Tierno

                            Monénembo, Thèse de doctorat, Paris (France), Université Paris-Est Créteil

                            Val de Marne, U.F.R de Lettres et des Sciences Humaines, 27 juin 2011 ;

                            p. 337 [Sous la direction de Papa Samba Diop]

    LARIN (Robert) « De la psychocritique ou confession d’un enfant du siècle », Voix et images

                            du pays, vol. 8, n° 1, 1974, p. 209-215.

                            URI: http://id.erudit.org/iderudit/600291ar

    MAURON (Charles), Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, Paris, José Corti,

                            196, p.382

    MAURON (Charles), Psychocritique du genre comique, José Corti, Paris, 1964, p.190.

    MOZAFARIAN (Leïla Fotouh), Les réseaux d’associations et le mythe personnel dans les

                            poèmes de Paul Valéry, Mémoire de Maîtrise, Université de Mashhad,

                            Faculté des Langues Étrangères, février 1995,[sous la direction de Partovi]

    SAHIRI (Léandre), À propos de « Deuxième épitre à Laurent Gbagbo » de Tiburce Koffi : les

                            mots utilisés par Tiburce Koffi sont à la limite de l’injure proférée à l’égard de

                            M. Laurent Gbagbo

    TROH-GUEYES (Léontine), Approche psychocritique de l’œuvre d’Henri Lopes, Thèse de

                            doctorat, Paris (France), Université Paris XII Val de Marne et Cocody-Abidjan,

                            U.F.R de Lettres et des Sciences Humaines, Centre d’Études Francophones,

                            2004-2005; p. 379 [Sous la direction de Papa Samba Diop et Lezou D. Gérard]

     


    [1] Charles MAURON, Des métaphores obsédantes au mythe personnel, introduction à la psychocritique, José Corti, Paris 1963, p.3

    [2] Arnaud BERNADET, Pour une « rhétorique profonde », Université de Franche-Conte Centre « Jacques Petit », 2004

    [3] Léandre SAHIRI, À propos de « Deuxième épitre à Laurent Gbagbo » de Tiburce Koffi : les mots utilisés par Tiburce Koffi sont à la limite de l’injure proférée à l’égard de M. Laurent Gbagbo

    [4] Idem

    [5] Charles MAURON, Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, Paris, Librairie José Corti, 1963

    [6] Charles MAURON, Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, op. cit. , p.9

    [7] Charles MAURON, Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, op. cit. , p.10

    [8] Idem, p.25

    [9] Charles MAURON, Psychocritique du genre comique, José Corti, Paris, 1964, p.141

    [10] Idem, p.141

    [11] Charles MAURON, Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, op.cit., p.80

    [12] Charles MAURON, Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, op. cit, p.25

    [13].Charles MAURON, Psychocritique du genre du comique, José Corti, Paris, 1964, p.142. Il résume les différentes opérations qui composent la méthode de la psychocritique.

    [14] Adou BOUATENIN, La poétique de la Francophonie dans deux poèmes de Senghor : ‘’ Que m’accompagnent Koras et Balafong’’ et ‘’Chaka’’, Mémoire de Master 2, p.78

    [15] Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au Mythes personnel, op. cit, pp. 211-212


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  • Présenté par :                                                   Séminaire animé :
    Adou Valery Didier Placide                                   Dr. Hélène N'GBESSO
    BOUATENIN                                                      Maître assistante






    Année universitaire
    2009-2010




































    Mini mémoire de Maîtrise
    Option : Poésie et quête de connaissance














    Année universitaire
    2009-2010




    SOMMAIRE



    Introduction 3-4

    Partie I : DERVAIN et l'Afrique 5

    I- L'image de soi de DERVAIN 6

    II- La vision de DERVAIN de l'Afrique 9

    Partie II : DERVAIN et la négritude 13

    I- DERVAIN : africaniste ou négritudien ? 14

    II- La négritude de DERVAIN 18



    Conclusion 21

    Bibliographie 22



    Tables de matières 23




    INTRODUCTION



    « La poésie, exploration du monde et de la vie est comme la science, au cœur de la connaissance [et] la connaissance est l'aboutissement provisoire d'un processus, celui de l'appropriation d'un objet, d'un fait, d'un phénomène, d'une manière de comprendre. Elle est médiatisée par un savoir antérieur qui s'incarne dans différents discours. Par eux transite l'intentionnalité de l'énonciateur, sa tentative de produire, de manipuler, d'organiser, de recevoir et de manifester un savoir »1. Tous les discours possèdent une dimension cognitive, régie selon Barthes par au moins trois forces : mathesis, mimesis, semiosis. C'est-à-dire le savoir, la représentation et la reproduction de sens. La poésie a ceci de particulier qu'elle exerce ces trois forces sur les matériaux discursifs eux-mêmes « parce qu'elle met en scène le langage [..] »2. Le langage, pour beaucoup de théoriciens, est le substitué du discours, et G.E Sarfati d'affirmer que « le discours est le langage mis en action ; la langue assumée par le sujet parlant »3 ou quand l'individu se l'approprie « [il] se tourne en instance de discours »4. Le discours pris comme texte sera l'objet de recherche de plusieurs théoriciens car l'analyse d'un texte, surtout de « la production poétique ne correspond pas forcement aux idées qu'on a sur elle [...]. Mise en scène discursive de l'expérience de la vie, la poésie est inséparable de la connaissance »5. Elle devient alors un outil de la quête de connaissance, le lieu même où se constitue peu à peu cette connaissance qui passe par la recréation du monde par le poète. La poésie, écrivit Novalis, « met en mouvement le fond de l'âme »6 du poète.
    Acceptant que la connaissance de l'être et du monde peut passer par le faire, par l'acte de l'écriture, et que c'est dans le lyrisme qu'on exprime ses émotions et qu'on saisit l'homme comme l'affirme Hermann Broch7 : « Il faut représenter l'homme dans toute sa gamme de
    ses expériences vécues, en allant de ses possibilités physiques et de ses sentiments au domaine moral et métaphysique, d'où un appel immédiat au lyrisme, seul capable d'en fournir l'expression ». Et aussi parce qu' « un poème est, à nos yeux, réalité vivante, et aucune entreprise ne se justifie, qui a pour résultat de désintégrer et de tuer la vie qui l'anime »8, nous avons jugé bon de montrer à travers deux poèmes de UNE VIE LISSE ET CRUELLE qu'Eugène DERVAIN, l'auteur de l'œuvre en question, est soit un africaniste soit un négritudien. UNE VIE LISSE ET CRUELLE9, d'où sont extraits nos deux poèmes intitulés À MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965 (pp.25-27) et DUEKOUE (pp.31-32), est un recueil de poèmes, édité en 1999 par EDILIS en Côte d'Ivoire, qui traduit la puissance de la parole libérée.


    1- Annie BRISSET, la poésie pense : une modalité assomptive de la connaissance.
    2- Roland BARTHES, Parole, pp 17,19-20
    3- G.E Sarfati, Précis de pragmatique, Paris, NATHAN,
    4- Emile BENVENISTE
    5- Cf. note 1
    6- Idem, Novalis que cite Annie BRISSET
    7- BROCH Hermann, Genèse du livre, les Irresponsables. Tr. A. Picard, Paris, Gallimard, p.290
    8- Marcel TOWA, Leopold Sedar Senghor: Negritude ou Servitude? , Yaoundé (Cameroun), Edition CLE, p.9
    9- Eugène DERVAIN, UNE VIE LISSE ET CRUELLE, Abidjan, EDILIS, 1999 : œuvre d'où sont extraits nos textes supports (le corpus de notre mini mémoire)
    .
    A chaque poème, le lyrisme des mots, dans leur reprise, leur répétition, leur opposition est tout un style à travers lequel le poète réveille les souvenirs de sa vie, depuis Aragon, Eluard, A. Spire, Césaire, Hampaté Bâ et bien d'autres, et exprime ses préoccupations profondes pour l'Afrique.
    Pour notre travail, il nous faut une méthode ou des méthodes, et parmi les méthodes qui s'offrent à nous celle qu'il faut retenir pour le travail sans perdre « la signification générale et l'articulation interne »10 des poèmes en est la difficulté rencontrée lors de notre investigation car « l'étude d'une œuvre poétique peut être abordée de multiples façons, dont certaines semblent faites pour permettre d'en éluder la signification. Tout discours, et spécialement tout discours poétique s'offre comme une totalité organique et signifiante. C'est la totalité qui signifie et chacune de ses parties composantes ne tire son sens que de cette signification globale »11.
    Par quelle(s) méthode(s) pouvons-nous explorer le sujet que nous nous sommes proposé : « Eugène DERVAIN : un africaniste ou un négritudien ? » ?
    Comment les deux poèmes proposés peuvent-ils expliciter notre sujet ?
    Qu'est-ce qu'un africaniste ou un négritudien ?
    Eugène DERVAIN est-il un africaniste ou un négritudien au sens premier des termes ?
    Pour répondre aux différents problèmes spécifiques de notre sujet, nous nous sommes proposés de saisir le poète dans son propre discours à travers la théorie de l'énonciation, et sans oublier « la psychologie individuelle de l'auteur »12 à travers la psychocritique. Ces deux méthodes qui nous semblent fiables pour appréhender « la signification et l'articulation interne »13 des poèmes seront renforcées par une synthèse explicative. Pour mieux saisir donc ces méthodes à travers les deux poèmes susmentionnés nous verrons successivement l'image de soi de DERVAIN, la vision de DERVAIN de l'Afrique, DERVAIN : un africaniste ou un négritudien ? Et la négritude de DERVAIN



















    10- Cf. note 8, p.3
    11- Idem
    12- Ibidem
    13- Ibid























    PARTIE I : DERVAIN ET L'AFRIQUE


























    I- L'IMAGE DE SOI DE DERVAIN



    L'image de soi, c'est la projection que tout sujet parlant en situation de communication fait de lui dans son propre discours ; c'est une opinion qu'on bâtit sur soi- même dans son propre discours. Autrement dit c'est l'inscription de tout usager de la langue dans son propre énoncé. Selon la thèse de Paul Grice, que cite le professeur Bohui Hilaire dans son cours, « un énoncé, dans certaines situations de discours peut transmettre infiniment plus d'informations au destinataire du message que son sens littéral ne le laisse penser »1 or la poésie est avant tout un énoncé adressé à une tierce personne. Pour saisir donc cette image de DERVAIN, nous allons identifier dans le corpus (les poèmes sur lesquels nous travaillons)2 les manifestations de l'inscription du poète dans son discours et puis analyser le corpus à travers eux pour montrer que le poète se voit comme un apatride et comme un africain.

    1- COMME UN APATRDE

    Un apatride, pouvons-nous dire avec désinvolte, c'est un « sans patrie ». Un apatride est une personne qui n'a pas ou qui n'a plus de nationalité. Dire qu'Eugène DERVAIN est un apatride, c'est dire qu'il n'a pas de nationalité ou qu'il n'a plus de nationalité. Ce n'est pas nous qui le disons mais sa présence dans son énoncé nous le fait dire. En effet, le poète est présent dans les deux poèmes3 par les indices d'énonciation.
    Le poète, par l'emploi des indices de personne et de possession, s'implique dans son discours et se laisse saisir comme une personne qui n'a pas de patrie ou de nationalité. Il quitte tôt « la CARAIBE qui en silence prie »4 avec sa tante pour l'Afrique. Et là-bas, il sait qu'il est « étranger »5 et que l'Afrique est « une terre étrangère »6 à lui.

    1- Pr. BOHUI Hilaire, cours sur le discours ; la pragmatique : une approche en analyse, dispensé aux étudiants de maîtrise à l'Université de Cocody, année 2009-2010.
    2- Cf. note 9, p.3
    3- Idem
    4- A MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965, vers 3, p.26 d'une vie lisse et cruelle
    5- Idem
    6- Ibidem
    Il dit « je suis né loin d'elle »7. Mais dans le deuxième poème8, Eugène DERVAIN reconnaît qu'il n'est « pas étranger »9.
    Nous sommes perplexes devant la confusion créée par Eugène DERVAIN. Cependant, le premier corpus10 est révélateur. Dans ce poème, DERVAIN n'est autre qu'une personne étrangère : « Personne n'a jamais dit que ce pays est nôtre »11. Le pronom possessif « nôtre » implique DERVAIN et sa tante, et dit que l'Afrique n'est pas la leur. Un peu plus loin, DERVAIN renie la couleur de sa peau : « Le hasard des courants a dilué ma peau »12, et accuse un certain « on » de l'avoir prêté « une couleur indécise ».13
    L'adjectif qualificatif « indécise » précise la subjectivité du poète. Il doute de sa race, de sa nationalité. Il est incertain. Ce « subjectivème » trahit donc la personnalité et l'image du poète. Le même pronom impersonnel « on » est toujours au banc des accusés. C'est lui encore que le poète accuse pour justifier le fait qu'il n'a pas de nationalité : « quand on vous persuade que la race fait la nation »14. Si « la race fait la nation » comme il le dit, alors nous disons qu'il refuse sa nation car le verbe « persuade » est le fait d'intimider, le fait d'essayer de convaincre, or Eugène DERVAIN n'est pas convaincu que « la race fait la nation ». Le fait de renoncer à la race, à la couleur de sa peau implique le renoncement de la nation. Il renonce donc à la nationalité et devient du coup un apatride.










    7- Cf. note 4, p.6
    8- DUEKOUE, le deuxième poème de notre travail, extrait d'une vie lisse et cruelle, pp.31-32
    9- Idem, v.28, p.32
    10- Cf. note 4 p.6
    11- Idem
    12- Ibidem
    13- Cf. note 8
    14- Idem
    2- COMME UN AFRICAIN

    Le poète, par sa présence dans les poèmes, a une image d'apatride. Cette image est très vite suppléée par une autre image de soi. Il se voit comme un africain. Par un africain, nous pouvons dire d'une personne qui « est de l'Afrique »1, en d'autres termes qui appartient à l'Afrique. Et DERVAIN se dit appartenir ou être de l'Afrique :

    Lorsqu'à tous les instants chaque jour il me faut
    Fouiller dans ma mémoire et rappeler aux autres
    [...]
    [que l'Afrique est] ma patrie2

    Voici ce que dit Eugène DERVAIN de lui-même.
    Par l'emploi des adjectifs possessifs « mon », « ma », ... le poète s'attribue l'Afrique car « cette terre [lui est] chère »3. Il ne peut plus sans passer. Il s'est trouvé une terre, une nation, et c'est l'Afrique. Ces adjectifs mettent en évidence une relation de réciprocité entre le poète et l'Afrique. Le poète dit être le possesseur de l'Afrique : « mon Afrique »4, et de l'Afrique être issu : « ma patrie »5. En effet, dans le mot « patrie », nous avons le mot « père » or le père est le géniteur. En d'autres mots, « patrie », dans son sens étymologique, signifie « pays du père »6. Acceptant alors ce sens premier du lexème « patrie », nous pouvons sans doute dire qu'Eugène DERVAIN, de « ma patrie », le pays de son père, dit appartenir à l'Afrique. Il est originaire de l'Afrique car l'Afrique est le pays de son père : « De me dire, mon Afrique, que tu es ma Patrie »7. Ce n'est pas surprenant de le voir dire dans DUEKOUE : « je ne suis pas étranger [...] »8.


    1- Dictionnaire Universel de poche, Paris, Hachette, 1993, p.10
    2- Cf. note 4, p.6, v. 21-23 et v. 32
    3- Idem, v.28
    4- Ibid, v.32
    5- Ib
    6- Dictionnaire pratique du français, Paris, Hachette, 1987, p.801
    7- Cf. note 2
    8- Cf. note 8, p.7
    Eugène DERVAIN peut se dire africain, et nous aussi, nous pouvons le dire sans faux-fuyants car les éléments de la métalinguistique qui parsèment les deux corpus9 prouvent qu'il est de l'Afrique : « le niger, ébriés, GRAND BASSAM, COCODY, ANOUMABO, BLOKOSS, FANTI, BETE, GUERE, NIABOUA, SENOUFO, les tambours, laghia (A MA TANTE QUI DECOUVRIS l'AFRIQUE EN 1965), DUEKOUE, tambour (DUEKOUE) ». Dans son discours, il ne se cache pas, il est africain et fier de l'être. Et l'Afrique, il la connaît car il est de l'Afrique, et l'Afrique est son continent.


    DERVAIN, croyant se cacher derrière le discours poétique10, a laissé des indices d'énonciation mettent à nu son image de soi. Il s'est d'abord défini comme un apatride avant de confirmer son statut d'africain. Acceptant donc qu'il soit un africain, il aura une vision de l'Afrique.





    II- LA VISION DE DERVAIN DE L'AFRIQUE


    Il serait hasardeux sans nous donner une méthode pour appréhender la vision du poète. Pour mieux élucider cette vision, nous avons pris un certain parti qui « veut que l'œuvre s'explique seulement par la psychologie individuelle de l'auteur »11. Il nous faut donc « procéder à la psychanalyse effective de l'auteur [...] »12. Et c'est à Mauron que revient le mérite d'avoir élaboré une méthode d'approche appelée psychocritique13.


    9- Cf. note 8, p.7
    10- Pour ne pas susciter une confusion, du discours poétique, nous retenons que le langage de la poésie.
    11- Cf. note 8, p.3, il note la difficulté de cette méthode est qu'on rencontre.
    12- Mauron (Charles), Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, Paris, José Corti, 1978.
    13- Idem
    Cette méthode permet de mettre à nu la personnalité profonde de l'auteur, en d'autres termes l'état d'âme d'Eugène DERVAIN. A travers les mots, les expressions, les images qui reviennent de manière consciente ou inconsciente sous la plume du poète que Mauron appelle « métaphores obsédantes »14, nous allons montrer que l'Afrique pour DERVAIN est une quête identitaire et aussi sa patrie.

    1- UNE QUETE D'IDENTITE

    Dans la carte d'identité15, Jean Marie ADIAFFI soutient, par le personnage Mélédouman, que l'identité d'une personne, c'est d'abord avoir un nom, puis une terre et enfin un peuple. C'est aussi la conception de l'identité chez l'africain. Se fiant sur ce principe, nous pouvons dire de l'identité que c'est l'acceptation de l'être en tant que tel, et Eugène Dervain est à la recherche de cette terre, de ce peuple pour établir son identité. Il en est obsédé.
    Dans le corpus16, le mot « terre » est occurrent et laisse sans doute dire que le poète est obsédé de posséder une terre. Nous avons dans A MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 196517 « la terre (v.26), cette terre (v.28) » et dans DUEKOUE18 « terre amoureuse (v.6), voici la terre (v.14) ». Il a besoin d'une terre pour être chez lui et pour ne pas qu'on dise de lui qu'il est « un étranger »19. Ce n'est pas seulement le mot « terre » qui forme la métaphore obsédante de DERVAIN. Il y a aussi « la forêt, la savane, la mer, plante, la floraison, des feuilles d'herbe, la montagne... ». Ces mots utilisés, épars, par le poète révèlent un cadre, un environnement, un lieu, un espace géographique qu'il se crée dans son esprit, dans sa conscience, et où il fait bon vive : « la douceur, sa fraîcheur, fécondité, féconditer ».
    Nous voyons un poète qui, des éléments communs et connus, et propres à la nature, crée son univers pour s'établir et s'installer. Il est aussi angoissé par la couleur de sa peau.


    14- Pr. Jean Marie KOUAKOU, cours sur la méthodologie critique : la psychocritique, présenté par Dr. Vahi Y. aux étudiants de Licence de Lettres Modernes à l'Université de Cocody/ Abidjan.
    15- Jean Marie ADIAFFI, La carte d'identité, Abidjan, CEDA, 1980, pp.28-29
    16- Cf. note 9, p3
    17- Cf. note 4, p.6
    18- Cf. note 8, p.7
    19- Idem
    Il refuse le fait d'être ce qu'il n'est pas. Il refuse d'être ce que la couleur de la peau lui impose. Il y a un refoulement20 total de son être et de sa chair. Un refus total de l'acceptation de la couleur de sa peau. Ce refus, ce refoulement assez constant dans l'inconscient du poète fait jaillir la personnalité du poète. Pour lui, la couleur de sa peau a été diluée : « Le hasard des courants a dilué ma peau »21 ou c'est « une couleur indécise » et prêtée22. Dans son subconscient, son inconscient, il refuse le principe que « la race fait nation »22. Son refus d'être identifié par la couleur de sa peau ou par la race l'amène à affirmer une identité qui lui propre mais encore ambiguë.
    Il semble épousé l'Afrique car « cette terre [d'Afrique lui] est chère [et cette terre ne lui est pas] étrangère »23. Il se reconnaît en Afrique, il saisit son être en Afrique car « les tambours par ici ne battent pas laghia »24 et « le son de [son] tambour [est] comme le son [de l'Afrique] »25. « Les siècles ont passé sur mon esclavage »26, un souvenir de l'histoire de l'Afrique, et ce souvenir parsème les poèmes : « le souvenir, mon souvenir, ma mémoire, mon rêve ». Ce qui renvoi à son enfance. Une enfance traumatisée du fait qu'il n'est ni blanc ni noir. C'est ce fait qui l'amène à chercher une identité vers l'Afrique. Eugène DERVAIN est en quête perpétuelle identitaire. La quête d'identité est donc son mythe personnel27. Nous avons dire qu'il saisit son être en Afrique. L'Afrique que sera-t-elle pour lui ?


    2- L'AFRIQUE, SA PATRIE

    Dire non à la race qui fait nation, Eugène DERVAIN doit trouver un idéal, un cadre pour se réaliser. Et ce cadre, c'est l'Afrique. Il semble trouvé en Afrique son identité car il est baigné dans la pure perfection de l'Afrique28 :

    20- Thierry Bonfanti, Michel Lobrot, la psychanalyse, Paris, Hachette, 1995-1999
    21- Cf.note 4, p.6
    22- Cf. note 8, p.7
    23- Cf. note 4, p.6
    24- Idem
    25- Cf. note 8, p.7
    26- Idem
    27- Cf. note 12, p.9
    28- Cf. note 8, p.7
    J'avais rêve de baigner mon rêve dans la pure perfection de
    ton corps Afrique.
    Et son Afrique, à lui, c'est « GRAND BASSAM, COCODY, ANOUMABO, BLOKOSS »29 et « DUEKOUE »30. C'est l'Afrique des « semailles [et des] moissons »31. C'est l'Afrique où « un rendez-vous d'amour est toujours un printemps »32. C'est l'Afrique où les peuples tels que « FANTI, BETE, GUERE, NIABOUA, SENOUFO » l'ont accepté. C'est l'Afrique en général et la Côte d'Ivoire en particulier. Le continent africain trouble la conscience du poète et submerge à la surface de son inconscient : « mon Afrique, AFRIQUE, Ton corps AFRIQUE ». Au fur et à mesure que le poète progresse, l'écriture du mot « Afrique » change de Caractère scriptural. Ce qui révèle l'importance que ce dernier accorde à l'Afrique. Aux yeux du poète, l'Afrique a une grandeur, et elle est importante. C'est cette Afrique que « le poète [...] entend demeurer fidèle »33. L'Afrique, c'est celle qui a dit au poète tu n'es pas « étranger » mais frère, fils car c'est « [ton] Afrique », et lui de lui répondre « [...] tu es ma patrie ».
    L'obsession d'appartenir à l'Afrique est tellement grande qu'il se contente de dire « tant pis s'il faut t'aimer silencieusement ». Non seulement le mot « Afrique » revient plusieurs fois dans le corpus mais aussi les mots tels que « la ville, ce pays, nation, ma patrie » coulent sur la plume du poète. Sa soif de trouver une identité est satisfaite. Il a enfin trouvé son identité, l'identité dans la conception africaine, « [...] Puisque tout ici [l'] appartient et atteste ce qu' [il est, qu'il est] »34.


    DERVAIN, sans se rend compte qu'il est à la quête perpétuelle d'une identité, va soulager son manque par une identité qu'il s'impose lui-même ; celle de l'Afrique. S'attribuer une identité africaine n'est-il pas se considéré comme un connaisseur de l'Afrique ou comme un défenseur des valeurs africaines ?


    29- Cf. note 4, p. 6
    30- Cf. note 8, p.7
    31- Idem
    32- Cf. note 4, p. 6
    33-- Cf. note 8, p.3
    34- Cf. note 4, p. 6


















    PARTIE II : DERVAIN ET LA NEGRITUDE
























    I- DERVAIN : AFRICANISTE OU NEGRITUDIEN ?



    Nous touchons ici le but de notre mémoire1, celui de montrer qu'Eugène DERVAIN est soit un africaniste soit un négritudien. Cependant, il n'est pas question d'appliquer une méthode critique quelconque pour appréhender le sujet2. Nous avons déjà fait appel à deux méthodes critiques3. Cette dernière partie est une sorte de synthèse que nous avons appelée « synthèse explicative ». Synthèse explicative, parce qu'il est question de dire ce que nous avons retenu de la première partie ; parce qu'il est question aussi d'expliquer les poèmes par une sorte de lecture méthodique4. C'est pour toutes ces raisons que nous avons optées pour cette démarche un peu personnelle. Dans cette démarche, nous verrons successivement DERVAIN en tant qu'africaniste, et DERVAIN en tant que négritudien et la négritude de DERVAIN.


    1- DERVAIN, UN AFRICANISTE

    Un africaniste est un « spécialiste des langues et civilisations africaines »5. Pour étendre cette définition du dictionnaire, nous pouvons dire qu'africaniste est une personne qui s'intéresse à l'Afrique parce que son histoire, son origine est de l'Afrique. C'est aussi un écrivain latin ou européen originaire de l'Afrique.
    Partant donc de cette définition, nous voyons Eugène DERVAIN en tant qu'un africaniste au sens premier du terme. En effet, dans ses poèmes, il se présente comme un africain6 car il dit appartenir à l'Afrique. L'Afrique, il la connaît, avons-nous dit. « Conscient d'être un individu hybride, étranger à lui-même comme à ses frères de race »8, Eugène DERVAIN

    1- Allusion au thème de notre mini mémoire : Eugène Dervain, un africaniste ou un négritudien ?
    2- Allusion au titre du grand I de la deuxième partie.
    3- Allusion aux méthodes utilisées dans la première partie de notre travail.
    4- Il n'est pas question d'appliquer concrètement la lecture méthodique.
    5- Petit Robert, 1972
    6- Voir l'image de soi : comme un africain, pp. 8-9
    7- Idem.
    8- Jacques Chevrier, la littérature nègre, Armand Colin/Nouvelles Editions Africaines
    renonce à la couleur de sa peau parce qu'il n'est pas ce qu'il est, c'est-à-dire hybride ;
    parce que la couleur de sa peau est une couleur de circonstance9 ; parce que dans ses veines coule le sang africain ; parce que la couleur de sa peau est le fruit de l'esclavage10.
    Les siècles ont passé sur mon esclavage
    au bout desquels on m'a fait ce prêt d'une couleur indécise
    quand on vous persuade que la race fait nation

    Dervain est un spécialiste des langues africaines car il parle bien « FANTI, BETE, GUERE, NIABOUA, SENOUFO »11 et des civilisation africaines car il sait qu'à DUEKOUE « [...] l'homme plante et ne tue pas l'épervier »12. Pour s'intéresser à l'Afrique, il faut, comme le dit Alain Ricard, commencer par apprendre une langue africaine13. Et c'est ce qu'à faire Eugène DERVAIN, lorsqu'il cite les langues parlées en Afrique voire en Côte d'Ivoire dans ses poèmes. Il découvre l'Afrique en même temps que sa tante, et l'épouse comme sa patrie car il était en quête perpétuelle d'une identité, et voila qu'il la découvre au cœur de l'Afrique, surtout de la Côte d'Ivoire. Il s'est profondément enraciné dans le continent africain qu'il laisse « l'Afrique [palpiter] au cœur de ses préoccupations »14. En le lisant de près, on verra qu'il se dit plus africain que les africains eux-mêmes :
    De me dire, mon Afrique, que tu es ma patrie15
    [et que]
    Je ne suis pas étranger à l'enivrement de ce matin.16
    Car il est fier d'être un africain, et il s'enorgueillit que l'Afrique soit sa patrie. L'africanisme d'Eugène DERVAIN a un nom, c'est « l'ivoirianisme » ou « l'ivoirisme ». C'est-à-dire propre à la Côte d'Ivoire. S'approprier l'Afrique n'est-elle pas une manière de proclamer sa négritude ?

    9- Allusion à un poème de Bernard DADIE.
    10- Cf. note 8 p7
    11- Cf. note 4 p.6
    12- Cf. note 8 p7
    13- Alain RICARD, De l'africanisme aux études africaines. Textes et « humanités ».
    14- Voir la note de F.X. Cuche à la deuxième page de couverture de UNE VIE LISSE ET CRUELLE.
    15- Cf. note 4 p.6
    16- Cf. note 8 p7

    2- DERVAIN, UN NEGRITUDIEN

    Le concept de la négritude est « un champ de possibilités interprétatives »17, c'est-à-dire ce terme est ouvert à toutes sortes d'interprétations, et les encres des critiques ne cessent de couler. Pour cela, il est préférable de connaître la définition que lui accordent ses concepteurs. Césaire la définit ainsi18 :
    La Négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir et l'acceptation de ce fait , de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture.
    Et Senghor l'explique en ces termes19 :
    La Négritude, c'est l'ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telle qu'elles s'expriment dans la vie, les institutions et les œuvres des Noirs. Je dis que c'est là une réalité : un nœud de réalités
    Mais Césaire insistera sur le fait que la définition qu'il donne à la négritude ne peut être valable que par la coexistence d'autres définitions. C'est ce qui l'amène à dire « qu'outre sa négritude, il est d'autres négritudes dont la plus célèbre reste présentée comme la défense et l'illustration des valeurs africaines par Léopold Sedar Senghor »20.
    La négritude, dira Marcien Towa, est avant tout un mouvement poétique21 dans lequel l'on dit être fier d'être noir et de présenter les valeurs africaines. Sans se hasarder avec la définition du concept de la négritude, nous pouvons dire que c'est à partir de ces définitions susmentionnées que nous allons rechercher une définition dans les textes d'Eugène DERVAIN, une définition qui lui sied. En effet, la négritude est une culture de mémoire et d'émotion. Et cette négritude se lit dans ses poèmes. La culture de la mémoire est le propre du noir or chez DERVAIN, c'est l'écriture de la mémoire. Il use à bon escient d'un vaste champ lexical de la mémoire : « le souvenir, mon souvenir, ma mémoire, mon rêve... ». DERVAIN se rappelle, se souvient de l'Afrique de ses ancêtres22, l'Afrique des danses, des « semailles », des « moissons » et des « tambours ». Il se présente cette Afrique comme une personne flamboyante, généreuse, belle...

    17- UMBERTO Eco, Œuvre ouverte, chap.4, Paris, Editions Points, 1965, p. 138
    18- Lylian KESTELOOT, la négritude hier et aujourd'hui in Césaire et Senghor. Un pont sur l'Atlantique, Paris, Editions L'Harmattan, 2006
    19- Idem
    20- Dr. Fatiha BOULAFRAD, nègre je suis, nègre je resterai : dernière parole d'un homme constaté et contesté
    21- Cf. note 11. p. 9
    22'- Allusion à un poème de David DIOP
    Les vers qui s'ensuivent l'illustrent bien :
    « Les rouges frondaisons des flamboyants de mai »23
    « le couteau d'un nuage nous partagea la pomme »24
    « Une beauté aussitôt saisie que possédée »25
    « J'avais rêvé de baigner mon rêve dans la plus pure perfection de
    Ton corps Afrique »26
    Ce dernier vers magnifie l'Afrique, et nous laisse sans doute dire que DERVAIN chante l'Afrique comme les précurseurs de la négritude. Et Cuche de dire que « E. DERVAIN rejoint en cela la pure tradition africaine.[...] parti à la recherche de sa propre négritude, [il] s'est profondément enraciné dans le continent »27. Cet enracinement est dû à l'amour qu'il a pour le continent : « Tant pis s'il faut t'aimer silencieusement »28.
    Et la négritude de DERVAIN, c'est le mélange de la négritude de Césaire et de Senghor. Refuser la « couleur indécise » de sa peau pour revêtir celle de l'africain et brandir les valeurs culturelles de ce dernier, c'est être vraiment un négritudien.



    Eugène DERVAIN donne un autre visage à la négritude. Pour être un négritudien, dans sa conception, c'est d'abord s'intéresser à l'Afrique, « [lire...] dans la géographie précise de [son] corps (de l'Afrique) »29 ensuite, et présenter enfin ses valeurs culturelles et esthétiques.







    23- Cf. note 4, p.6
    24- Idem
    25- Ibidem
    26- Cf. note 8, p.7
    27- Cf. note 4, p.6,
    28- Idem, v33
    29- Cf. note 8, p.7
    II- LA NEGRITUDE DE DERVAIN


    La négritude, l'avons nous vue comme « la simple reconnaissance du fait d'être noir et l'acceptation de ce fait »1 ou comme « l'ensemble des valeurs culturelles du monde noir »2. Chez DERVAIN, en associant donc la négritude de Césaire et Senghor, la négritude prend un autre visage, celui de l'africanisme. Car dans sa négritude, nous voyons le concept de l'africanisme. Il n'est pas un africaniste, il est plus que ça ; il n'est pas aussi un négritudien, il est plus que ça. La négritude de DERVAIN va au-delà du concept de l'africanisme et celui de la négritude.
    « Le mouvement de la Négritude est né, peu importe l'origine et l'histoire du mot, l'essentiel est qu'il existe désormais une voix africaine dont les échos n'ont pas fini de retentir »3, et DERVAIN, le sachant, use de ce concept à divers interprétations pour faire entendre sa voix dans le continent africain et définir sa négritude.
    Nous voulons montrer que la négritude de DERVAIN peut se définir comme une authenticité africaine, comme une quête identitaire, et le souci de préservation de cette identité lui permet donc de saisir l'autre, de le connaître et de faire partie de sa vie quotidienne. Pour saisir donc la négritude de DERVAIN, nous allons d'abord la définir comme une écriture de soi, et puis comme une écriture de l'autre.


    1- UNE ECRITURE DE SOI

    L'écriture de DERVAIN s'approprie la nature, l'espace, l'environnement,... Elle est en contact permanent avec la nature. L'évocation des éléments de la nature « l'eau, la forêt, la savane, la mer, la terre, montagne, rivage, étoiles, ciel, nuage... » donne une tonalité lyrique à ces poèmes. S'attarder à cela, nous risquerons de nous contredire plus tard. Le lyrisme, chez DERVAIN, c'est « le souvenir, le rêve, la mémoire ». Le lyrisme, nous savons, est le caractéristique de la première personne traduisant ses émotions ; évoquant le souvenir d'enfance, les éléments de la nature. Le lyrisme, chez DERVAIN, est

    1- Cf. note 18, p.16
    2- Idem
    3- Jacques CHEVRIER, Littérature nègre, Armand Colin/Nouvelles Editions Africaines
    l'écriture de soi. Ici, ce n'est pas une auto-fiction ni une autobiographie mais une écriture à la première personne. Eugène DERVAIN écrit à la première personne : « nous, je, j', m' mon, ma... ».
    Ses poèmes acquièrent toutes ses énonciativités, c'est-à-dire ses poèmes prennent en compte le sujet parlant dans son énoncé. Eugène se présente lui-même comme un apatride, « un étranger » à la recherche d'une « nation », d'une identité. Son écriture devient alors une écriture de quête identitaire. Le lyrisme, l'énonciativité, la quête identitaire,... des termes qui renvoient à une seule réalité : l'image de soi du poète. Le poète se présente donc comme un quêteur d'identité. Sa quête l'amène à s'intéresser à l'Afrique, à la découvrir, à l'épouser et à s'identifier à elle. D'où son africanisme car il y a sa négritude qui domine. C'est donc une synthèse de la pure négritude et du pur africanisme. Cette écriture de soi qui marque sa négritude le pousse à adopter une autre écriture, celle de l'autre.


    2- UNE ECRITURE DE L'AUTRE

    L'autre, chez DERVAIN, ce n'est pas l'inconnu. C'est une personne qu'il tutoie tous les jours et qu'il connaît car cette dernière fait partie de sa vie. La présence de l'autre est marquée par les pronoms « tu, toi, te, t',... » et par les adjectifs possessifs « ta, ton, votre, vos,... ». Cette présence de l'autre met en évidence le souci du poète de ne plus penser à lui seul mais à l'autre voire tout le monde ; et du coup de saisir sa négritude. C'est une négritude qui se définit également comme pas la fierté d'être noir ou hybride mais comme la fierté d'être ensemble, comme des frères et sœurs, comme la fierté d'appartenir à un groupe. Cette négritude se confirme par la valeur associative des pronoms personnels « je » et « tu », et des possessifs « mon » et « ton », et s'englobe par le pronom « nous ». C'est une négritude plurielle. Il faut être proche de l'autre pour pouvoir le comprendre et le saisir. Et c'est ce que fait DERVAIN en adoptant dans ses poèmes l'écriture de l'autre. L'écriture de l'autre, ce n'est pas fait sa biographie, c'est une sorte de l'alter ego dans l'écriture. C'est ce que les théoriciens appellent l'altérité. L'autre devient comme lui, et lui comme l'autre. C'est pourquoi il dit :
    [...] je reconnais le son de mon tambour
    Comme le son du tien.
    L'autre devient son complice, son ami inséparable, d'où l'emploi de « nous » dans ses poèmes.
    La négritude de DERVAIN dépasse la négritude des premiers auteurs appelée la négritude d'hier4. Sa négritude est celle d'aujourd'hui, celle qui ne revendique plus et ne « proclame [plus] sa tigritude »5 ; celle qui, auprès de l'africain, permet de saisir soi-même. La négritude de DERVAIN est donc la négritude de quête identitaire à travers l'autre, l'africain.



























    4- Cf. note 18, p.16
    5- Allusion à Wole Soyinka : « Le tigre ne proclame pas sa tigritude,il tue sa proie et la dévore »


    CONCLUSION



    Pour appréhender un texte poétique (un poème), ce n'est pas seulement la prosodie, l'étude des rythmes, la versification, la métrique ; ce n'est pas aussi l'expliquer littéralement, mais de voir d'autres méthodes ou théories car la poésie est un champ de possibilités interprétatives, et on risquerait de ne pas saisir la signification du texte poétique. Nous ne disons pas que ces méthodes ou ces théories susmentionnées ne sont pas fiables, au contraire elles le sont mais insuffisantes car elles présenterons des limites lors de les appliquer sur un texte poétique quelconque. C'est pourquoi, nous avons, à nos poèmes, appliqué ou utilisé la théorie de l'énonciation pour déceler l'image de soi de DERVAIN. Cette théorie a permis donc de voir le poète se considérer comme un africain. Aussi avons-nous utilisé la psychocritique pour appréhender l'état d'âme du poète. Par cette méthode critique, nous avons su que le poète, par une quête identitaire, se donne l'Afrique pour patrie.
    DERVAIN conjugue la négritude de Césaire et de Senghor pour se définir une négritude personnelle. Sa négritude, c'est de s'imprégner de la réalité africaine. Cette négritude a un visage d'africanisme. Et son africanisme a un nom, celui de « l'ivoirianisme » ou de « l'ivoirisme ». DERVAIN est, à la fois, un africaniste et un négritudien car l'Afrique bat dans son cœur et le sang africain coule dans ses veines, et son écriture, celle de l'africain. Ce qui donne une couleur à sa négritude. Sa négritude devient donc une authenticité africaine, une quête identitaire à travers l'autre, l'africain. Nous disons que son contact avec l'Afrique l'a permis de comprendre ce qu'il est et de définir sa négritude sur les traits d'un africanisme.
    Nous croyons atteindre notre objectif, cependant nous pensons qu'il était possible pour nous de faire appel à d'autres méthodes critiques telles que la sociocritique pour saisir la réalité sociale, le conflit social que présente DERVAIN pour définir sa négritude ; l'intertextualité pour analyser les textes qu'il a fait appel pour cadrer sa négritude.
    Ceci serait intéressant, et enrichissant si ces méthodes ont été utilisées pour monter que DERVAIN, en donnant le visage d'africanisme à sa négritude, n'abandonne-t-il pas la négritude d'hier pour définir les basses d'une négritude d'aujourd'hui.



















    BIBLIOGRAPHIE


    I- ŒUVRES

    BROCH Hermann, « Genèse du livre », les irresponsables. Tr. A. Picard, Paris, Gallimard
    Eugène DERVAIN (1999), UNE VIE LISSE ET CRUELLE, Abidjan, EDILLIS
    Jacques CHEVRIER, Littérature nègre, Armand Colin/Nouvelles Editions Africaines
    Jean Marie ADIAFFI (1980), La carte d'identité, Abidjan, CEDA
    Lylian KESTELOOT(2006), Césaire et Senghor. Un pont sur l'Atlantique, Editions
    L'Harmattan
    Marcien TOWA (1971), Léopold Sedar Senghor : Négritude ou Servitude ? Yaoundé,
    Edition CLE
    MAURON Charles (1978), Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, Paris,
    José Corti
    NEVEU franck, Lexique des notions linguistiques, Paris, Armand Colin
    Sarfati Geogess ELIA, Elément d'analyse du discours, Paris, Armand Colin
    Précis de pragmatique, Paris, NATHAN
    Tierry BONFATI, Michel LOBROT(1995-1999), La psychanalyse, Paris, HACHETTE

    II- DICTIONNAIRES

    Dictionnaire pratique du français, Paris, HACHETTE, 1987
    Dictionnaire le Petit Robert, Paris, 1972
    Dictionnaire Universelle de Poche, Paris, HACHETTE, 1993

    III- ARTICLES

    Pr. BOHUI Hilaire (2009-2010), Cours surs le discours, la pragmatique : une approche
    en analyse. UV 304.1
    Pr. Jean Marie KOUAKOU (2007-2008), Cours sur la méthodologie critique : la
    psychocritique. UV 305.2.2

    IV- SUR LE NET

    Alain RICARD, De l'africanisme aux études africaines. Textes et « humanités »
    Disponible sur http // classiques.uqac.ca/contemporains/.../ africanisme_études_africaines.pdf
    Annie BRISSET, La poésie pense : une modalité assomptive de la connaissance.
    Disponible sur http //www.erudit.org/revue/TTR/1999/v12/n1/037350ar.pdf
    Dr. Fatiha BOULAFRAD, Nègre je suis et Nègre je resterai : la dernière confession d'un
    homme constaté et contesté. Disponible sur http// ressources-
    cla.univ-fcomte.fr/gerflint/Algerie5/boulafrad.pdf







    TABLES DES MATIERES



    Sommaire 2

    Introduction 3-4

    PARTIE I : DERVAIN et l'Afrique 5

    I- L'image de soi de DERVAIN 6

    1- Comme un apatride 6-7
    2- Comme un africain 8-9

    II- La vision de DERVAIN de l'Afrique 9

    1- une quête d'identité 10-11
    2- l'Afrique, sa patrie 11-12

    PARTIE II : DERVAIN et la négritude 13

    I. DERVAIN : africaniste ou négritudien 14

    1- DERVAIN, un africaniste 14-15
    2- DERVAIN, un negritudien 16-17

    II- la négritude de DERVAIN 18

    1- une écriture de soi 18-19
    2- une écriture de l'autre 19-20


    Conclusion 21

    Bibliographie 22


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