• Le structuralisme

    Le structuralisme

     

    I- Introduction

     

    1)- Origine

    Le structuralisme tire son origine du Cours de linguistique générale (1916) de Ferdinand de SAUSSURE qui envisage d'étudier la langue comme un système dans lequel chacun des éléments n'est définissable que par les relations d'équivalence ou d'opposition qu'il entretient avec les autres. Cet ensemble de relations forme la structure.

    2)- Définition

    Dans les années 1950, les analyses de LEVI-STRAUSS des systèmes de parenté permettent de penser que l'homme, envisagé comme un être pensant, être social, être communiquant avec ses semblables, va pouvoir enfin être un objet de science. Ainsi, pour LEVI-STRAUSS, la structure possède une organisation logique mais implicite, un fondement objectif en deçà de la conscience et de la pensée (structure inconsciente). Par conséquent, le structuralisme vise à mettre en évidence ces structures inconscientes.

    Les principaux auteurs et penseurs structuralistes sont: LEVI-STRAUSS, ALTHUSSER, LACAN, FOUCAULT et DERRIDA.

    3)- Les limites

    Toutefois, l'analyse structuraliste tend à laisser de coté l'histoire de l'homme et à vider l'action humaine de son individualité.

     

    II- La théorie structuraliste

    Pour les structuralistes, les processus sociaux sont issus de structures fondamentales qui demeurent le plus souvent inconscientes. Ainsi, l'organisation sociale génère certaines pratiques et certaines croyances propres aux individus qui en dépendent.

    Cette théorie se base sur une nouvelle science, la linguistique. F. DE SAUSSURE avait révolutionné l'approche du langage en montrant que toute langue constitue un système au sein duquel les signes se combinent et évoluent d'une façon qui s'impose aux acteurs et selon des lois qui leur échappent (ainsi Nicholas TROUBETSKOJ a appliqué cette méthode à l'étude des sons en montrant les lois par lesquelles ils se combinent dans différentes langues).

    Ainsi, s'inspirant de cette méthode, le structuralisme cherche à expliquer un phénomène à partir de la place qu'il occupe dans un système, suivant des lois d'association et de dissociation (supposées immuables). "Si l'activité inconsciente de l'esprit consiste à imposer des formes à un contenu, et si ces formes sont fondamentalement les mêmes pour tous les esprits, anciens et modernes, primitifs et civilisés comme l'étude de la fonction symbolique, il faut et il suffit d'atteindre la structure inconsciente, sous jacente à chaque institution et à chaque coutume, pour obtenir un principe d'interprétation valide pour d'autres institutions et d'autres coutumes" (LEVI-STRAUSS).

     

    III- Les différents courants structuralistes

     

    1)- L'anthropologie et l'ethnologie structuraliste

    Le point de départ de cette fusion est les travaux effectués par LEVI-STRAUSS. Se penchant sur les relations de parenté au sein des sociétés dites "primitives", il entreprit de montrer que celles-ci sont régies par des lois d'association et de dissociation comparables à celles régissant les rapports entre les sons au sein d'une langue. Par exemple, les structures élémentaires de la parenté ont pour fonction de déterminer quels conjoints sont interdits et de prescrire la catégorie d'individus à épouser selon les trois types de relations de parenté toujours données dans la société humaine: consanguinité, alliance, filiation; cela fait ainsi apparaître la signification profonde de la prohibition de l'inceste comme condition primordiale de l'échange (travaux liés à la psychanalyse freudienne: interdiction de l'inceste, et à celle de JUNG: archétype de la trinité). En renonçant à la consanguinité, l'homme s'astreint à pratiquer des échanges (dont la femme est le plus important) avec autrui. Ainsi, pour les structuralistes, les types d'arrangements matrimoniaux fixent les limites entre lesquelles jouent les choses individuelles, les considérations sociales et économiques inconscientes (Ils fixent la limite de tous les échanges).

     

    2)- Un structuralisme lié à la philosophie et aux "sciences humaines"

     

    Le structuralisme est lié à la philosophie et aux sciences humaines (psychanalyse, sociologie) mais on ne peut pas réellement parler de philosophie structuraliste ou de structuralisme philosophique (le structuralisme s'englobant, suivant les différents courants, dans la plupart des sciences, qui s'alimentent aussi dans les théories structuralistes). Ainsi, on peut parler de différents structuralismes, un structuralisme lié aux théories marxistes sur les structures économiques et sociales dégagées par le Capital, mise en place par Louis ALTHUSSER. Pour lui la structure économique, constituée par l'ensemble des rapports de production (rapports sociaux), est déterminée par la théorie de la praxis, de la pratique collective. (La praxis étant la relation dialectique entre l'homme et la nature et l'homme et l'environnement social, relation par laquelle l'homme en transformant la nature par son travail ou en transformant l'environnement social par son travail se transforme lui-même). Ainsi, l'homme en général, transformant son environnement naturel et social par son travail, détermine la structure économique. Jacques LACAN, lui, fonde un structuralisme imprégné de psychanalyse freudienne. Pour lui, l'inconscient est structuré comme un langage. Il rejette, ou tout du moins critique, l'autonomie du sujet dans la vie sociale. L'individu n'a que très peu de rôle dans la constitution de la structure économique (terme marxiste), celle-ci est comme prédéterminée inconsciemment (inconscient collectif). La société impose donc à l'individu un certain environnement social et non le contraire. D'autres auteurs, comme Michel FOUCAULT, partagent cette conception (Pour lui, le structuralisme annonce l'effacement du sujet et le point d'aboutissement ultime des sciences humaines). Jacques DERRIDA se fonde, quant à lui, sur un structuralisme basé non plus que sur l'étude du langage pour expliquer les structures inconscientes sociales mais aussi sur l'étude de l'écriture, inaugurant ainsi le poststructuralisme.

     

    IV- Conclusion

     

    Ainsi, l'apogée de ce courant fut des années1950 aux années 1970. Le structuralisme roue

    ses recherches à trouver les structures sociales inconscientes qui régissent l'humanité en affirmant que celles-ci sont organisées logiquement. Ainsi, le structuralisme implique une mathématisation du réel, et l'organisation des structures est étudiée de manière rigoureuse, à l'aide des mathématiques modernes. Malgré la différence entre les divers courants structuralistes, ceux-ci ont influencés les sciences humaines d'aujourd'hui et notamment la sociologie. Ainsi, Pierre BOURDIEU invente la notion d'habitus, qui correspond à une capacité acquise socialement par un individu et qui lui permet d'avoir la réaction immédiate et appropriée à un environnement. Ainsi, lorsque l'habitus est acquis, tout semble naturel à un individu ce qui lui permet d'effectuer les choix correctes, c'est-à-dire ceux conformes à son ethos (la culture de son groupe). L'habitus s'apparente à une partie de la structure sociale, inconsciente à l'individu et déterminé par les échanges entre les individus.

    Objections:

    Cependant, le structuralisme se limite à une analyse synchronique des institutions pour en dégager la structure et le sens. Les structuralistes étudient donc la structure à un moment donné de l'histoire car ils considèrent cette structure comme inchangeable. Ainsi, l'évolution de l'homme et des sociétés à travers l'histoire est mise de coté. De plus, le structuralisme enlève toute individualité, toute action individuelle sur la détermination de la structure sociale. Au contraire, pour eux, l'individu et les échanges entre individus sont déterminés par la structure sociale, sorte d'inconscient collectif. Cela semble être vrai, mais partiellement seulement. Car il est vrai que la conscience humaine propre à chaque individu est déterminée par les rapports de production eux-mêmes déterminés par la structure sociale. Toutefois, d'un point de vue historique, ce principe empêche toute évolution, toute transformation de la société. C'est le cas dans certaines sociétés primitives où la conscience humaine n'émerge de l'inconscient que sous une forme collective issue de la structure inconsciente. Cependant, dans des sociétés en évolution, l'homme transforme les rapports sociaux et économiques au fil du temps. Certains expliquent cela par la praxis, mais cette théorie n'explique pas le pourquoi de ces transformations. Elles sont dues à l'émergence de la conscience individuelle qui donne une liberté à l'individu par rapport à la structure inconsciente et collective. Philosophiquement, la conscience individuelle est sans doute liée à la conscience de l'individu d'être pour soi, c'est-à-dire à la conscience d'exister et donc de mourir. Cela entraîne une recherche personnelle du bonheur à travers les passions qui expriment la volonté de puissance c'est-à-dire la volonté de bonheur absolu. Ainsi, l'erreur du structuralisme est de vider de toute action humaine et de toute historicité l'analyse de la structure. Car si tout au long de l'histoire, la conscience individuelle a transformé (par le praxis) les rapports de production alors que ceux-ci sont déterminés par la structure sociale inconsciente, c'est que celle-ci a aussi évolué et n'est donc pas immuable (bien que son fondement premier, appelé en psychanalyse l'inconscient collectif, reste sans doute immuables, d'autres couches viennent sans doute s'y superposer au cours de l'histoire ou au cours d'une vie humaine).

     

    Claude Lévi-Strauss

    1908 -

    Anthropologue français

    Influencé par les réflexions du linguiste Roman Jakobson, Lévi-Strauss transpose les méthodes « structuralistes » d'analyse des phénomènes à l'anthropologie, comme outil de recherche pour une grammaire universelle de la mythologie. Fondateur de l'anthropologie structurale, il fonde aussi le laboratoire d'anthropologie sociale. Derrière la variété des cultures, il existe une unité psychique de l'humanité. Le missionnaire jésuite n'était pas supérieur au sauvage Bororo qu'il venait convertir au Christ et à la modernité. Pour comprendre quelque chose à l'homme, il ne faut pas se limiter à s'observer soi-même à la manière du philosophe qui pratique l'introspection. Il ne suffit pas non plus de se limiter à une période, à la manière de l'historien. Il est au contraire indispensable de brûler ses vaisseaux, de partir à la rencontre de ceux qui semblent le plus éloigné possible de nous-mêmes, afin de chercher ce qui, dans la nature humaine, est constant et fondamental. Ce qui manquait à l'anthropologie jusque dans les années cinquante, estime Lévi-Strauss, c'était une théorie, un système, un instrument pour comprendre ce que l'on voyait. « Toutes les sciences, affirme-t-il, ne fonctionnent que sur la base de théories explicatives ». Ainsi, en sociologie, Marx, le premier, a montré que pour interpréter la réalité sociale, il fallait sortir de la perception immédiate et la voir à travers un système. Ce que Marx a fait pour la sociologie, Lévi-Strauss le fera pour l'anthropologie : Le structuralisme est une lunette pour déchiffrer les civilisations.

    L'un des véritables fondateurs du structuralisme, rappelle Lévi-Strauss est Roman Jakobson. Ce linguiste russe a démontré comment, « dans la quantité illimitée des sons que la voix peut émettre, chaque langue en sélectionne un petit nombre formant un système et qui, par la façon dont ils s'opposent entre eux, servent à différencier les significations ». Pour Roman Jakobson, chaque langue est donc une variation à partir d'une structure. Or, de son côté, en comparant les relations de parenté chez les primitifs et leurs mythes, Lévi-Strauss avait observé qu'il retombait toujours sur les mêmes problèmes de base. Il en conclut que, derrière la variété des cultures, il existe une unité psychique de l'humanité. Les civilisations ne font que combiner des éléments de base communs à toute l'humanité. Les hommes ne font que combiner un nombre limité de conduites possibles. À la manière dont nous jouons avec un kaléidoscope les figures sont nombreuses, mais elles ne font que déplacer des structures de base, toujours les mêmes. Voilà pourquoi on constate parfois, dans des civilisations éloignées, des ressemblances troublantes : ce n'est pas nécessairement parce que ces civilisations ont communiqué entre elles. Par exemple, on retrouve dans l'Antiquité classique, en Extrême-Orient, en Amérique, le même mythe d'un couple de nains en guerre contre des oiseaux aquatiques. A-t-il été inventé plusieurs fois? C'est peu probable ; ou bien on se l'est emprunté, ou bien l'esprit humain a travaillé ici et là de la même façon. Les mythes et les règles de la vie sociale sont le matériau de base dans lequel Lévi-Strauss détecte les « invariants structurels ». Exemple? La prohibition de l'inceste. Dans toutes les sociétés, cet interdit, en contraignant au mariage hors de la famille, assure le passage de l'homme « biologique » à l'homme en société. Voilà le type même de la structure invariante. L'avantage de l'observation des primitifs, c'est que leur société étant plus simple et plus petite, une analyse globale se heurte à moins d'obstacles. Il n'y a pas de civilisation « primitive » ni de civilisation « évoluée » ; il n'y a que des réponses différentes à des problèmes fondamentaux et identiques. Non seulement les « sauvages » pensent, mais la « pensée sauvage » n'est pas inférieure à la nôtre, et elle est fort complexe ; simplement, elle ne fonctionne pas comme la nôtre. « La pensée occidentale, dit Lévi-Strauss, est déterminée par l'intelligible : nous évacuons nos sensations pour manipuler des concepts. À l'inverse, la pensée sauvage calcule, non pas avec des données abstraites, mais avec l'enseignement de l'expérience sensible : odeurs, textures, couleurs ». Dans les deux cas, l'homme s'emploie à déchiffrer l'Univers, et la pensée sauvage, à sa manière, y parvient aussi bien que la pensée moderne. Ce qui distingue « l'homme civilisé » du « primitif », c'est l'attitude devant l'Histoire, dit Lévi-Strauss. Les primitifs n'aiment pas l'Histoire, ils désirent ne pas en avoir ; ils se veulent primitifs plus qu'ils ne le sont véritablement. En fait, bien des événements ont bousculé les sociétés sauvages - guerre et paix, règnes et révolutions -, mais elles préfèrent en effacer les traces. Ces sociétés préfèrent se voir immuables, telles qu'elles se croient créées par les dieux. Chez nous autres « modernes », à l'inverse, l'Histoire est un objet de vénération. C'est par l'idée que nous nous faisons de notre histoire que nous cherchons à comprendre le passé, le présent et à orienter l'avenir. L'Histoire est, selon Lévi-Strauss, le dernier mythe des sociétés « modernes ». Nous arrangeons l'Histoire à la manière dont les primitifs arrangent les mythes : une manipulation arbitraire pour inventer une vision globale de l'Univers. La découverte du Nouveau Monde et le colonialisme furent un désastre humain, « le crime des crimes ». Mais, dit Lévi-Strauss, nous ne sommes pas pour autant coupables de ce qu'a fait Christophe Colomb ou de ce qu'ont fait nos grands-parents. Aussi, juge-t-il absurde et mal orientée la culpabilité des intellectuels européens qui pleurent sur le Tiers-Monde. « Les dirigeants actuels du Tiers-monde sont au moins aussi responsables de la destruction des cultures dites 'arriérées' qui subsistaient chez eux, que ne l'est l'Occident actuel ». Sa conférence devant l'Unesco en 1971 causa un énorme scandale. Trois observations en furent la cause :

    1. « La génétique moderne, en discréditant la notion de race et en lui substituant celle des stocks génétiques, permettait d'en parler autrement qu'en termes métaphysiques et de comprendre sur quelles données objectives reposaient les distinctions.

    2. Entre les cultures il est normal que, mises en contact sur des territoires contigus ou qui se chevauchent, elles génèrent des réactions d'agressivité. Les « primitifs » le savent bien.

    3. Les cultures sont créatives lorsqu'elles ne s'isolent pas trop, mais il faut qu'elles s'isolent quand même un peu ». Si les cultures ne communiquent pas, elles se sclérosent, mais il ne faut pas non plus qu'elles communiquent trop vite, afin de se donner le temps d'assimiler ce qu'elles empruntent au dehors. « Aujourd'hui (1989), dit Lévi-Strauss, le Japon me paraît l'un des seuls pays à atteindre cet optimum : il absorbe beaucoup de l'extérieur et refuse beaucoup ». Mes origines juives ne m'ont jamais tourmenté, ni le judaïsme  comme religion. Je me sens plus proche de l'animisme, en particulier du shintoïsme des Japonais ».

     

    [1] Extrait de Les vrais penseurs de notre temps de Guy Sorman, Fayard © 1989.

     


  • Commentaires

    1
    Tilelli
    Mercredi 24 Octobre 2018 à 20:39
    Je veux en critique sur le structuralisme à l'anthropologie si il veut plait
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