• LA POESIE, UN ART POUR L'HOMME.

     

     

     

            Introduction

     

    La  poésie est le genre avec lequel l'opinion publique entretient des rapports méticuleux, sous-tendus d'affectivité, sinon, de prudence, d'étonnement parfois, d'admiration très souvent, en tous cas, de rapports cultuels ; un tel aperçu , si laconique qu'il soit, semble enraciner la poésie dans l'ancrage de l'Olympe, demeure des dieux. C'est, donc, avec évidence que chaque individu, chaque peuple, chaque civilisation, s'en fait une expérience, certes, à des degrés divers. Il apparaîtrait intéressant d'exposer les identités vertueuses de ce style de langage, pas très quotidien aux Hommes, mais, fameux, pourtant. En effet, la poésie semble être un sacerdoce langagier, une œuvre de lumière et une œuvre de culture.

     

     

     

    I- La poésie, un sacerdoce langagier

     

     La poésie est le prisme d'une relation intuitive du locuteur avec les mots, les structures et syntaxes de la langue. Cette disposition linguistique, en mettant le lecteur/auditeur devant un monde nouveau, l'émeut et lui propose de multiples probabilités de compréhension d'un  même fait de langue. Soit les extraits suivants :

               

               

    • - «Bouche qui fait lyrique ma bouche» Senghor- Femme noire.

    Un tel propos, à l'entendre, désaxe  quelque peu ; plusieurs captations sont à entrevoir pour l'entendement :  Il s'agit, soit, d'une bouche qui transforme, fabrique, convertit une autre bouche en lyrique, soit d'une  bouche qui  influence une autre bouche par un moyen lyrique, soit d'une bouche lyrique qui ressemble à une autre bouche lyrique etc... Toutefois, en prenant du recul, l'examen des deux mots « Bouche » et « lyrique » interpelle l'intelligence. C'est que la bouche est l'organe du goûter et de la parole, mais, aussi, un point de contact sexuel non négligeable. Ainsi, au-delà de la variété d'approches de l'énoncé « Bouche qui fait lyrique ma bouche », on peut objecter que la dialectique entre les deux bouches est  fondée ou sur la parole, ou sur une alimentation, ou sur un plaisir corporel. Le jeu en est laissé à la sagacité de chacun.

     

     

    • - « Nous surgîmes au milieu de la Fusillade

              Comme deux corps ardents de braises

              Et nos regards lançaient des flammes »  Bohui Dali- Maïéto pour ZEKIA

        

          Ici, l'on note l'usage d'un pronom personnel sujet « Nous » désignant une collectivité dont ferait partie le locuteur poète et décrivant une réalité de frayeur, celle de deux ou de plusieurs personnes qui « surgissent au milieu d'une Fusillade ». L'autre disposition qui rend perplexe, ici, c'est la comparaison entre l'idée de  «surgir au milieu d'une fusillade » et « deux corps ».  Plus simplement, le poète compare une phrase et un mot, une idée active et un élément, trahissant l'équilibre grammatical qui doit régir deux entités comparées. C'est ce déséquilibre qui crée une perplexité qui amène à se poser des questions et à supposer plusieurs interprétations. En plus, il y a que le lecteur/auditeur est désemparé par le vers « Et nos regards lançaient des flammes ». Comment, donc, le regard qui n'est qu'une simple orientation de l'organe de la vue vers une cible, peut accomplir l'action de « lancer des flammes », sachant pertinemment qu'il est hors de question que le regard, dépourvu de mains, réalise une action aussi belliqueuse que celle décrite et que la flamme n'est pas un objet rigide pour être tenue et lancée à l'enseigne d'un projectile.  Cependant, la flamme, ayant la propriété de détruire, « Et nos regards lançaient des flammes »  voudrait dire, entre autres, qu' à travers nos regards, on lisait l'intention de se venger jusqu'à détruire l'ennemi.

     

     

           «Désossée

             Désossée

             Désossée

             Orange hydrique bien en chair nubile de naguère

             Jadis bercée par les séductions de la saccharose

             A éveiller la libido des glandes » Toh Bi Emmanuel- Djèlénin-nin pour toi mon                                                                                                       Afrique 

     

     

    On peut constater que l'imbrication du champ sémantique de l'Homme à celui de l' orange pour décrire le chiffonnement de la seconde, autrefois juteuse et succulente, surprend à plus d'un titre.

     

    En somme, il s'agit, pour le langage poétique, d' amener le lecteur/ auditeur à participer à la reconstruction du sens de l'énoncé. Autrement, la langue serait plate et l'esprit humain même mourrait en raison de l'indifférence dans laquelle le laisserait une langue sans créativité. D'ailleurs, la langue ordinaire, communicative et utilitaire est jonchée d'éléments de style ou d'airs poétiques qui, à force d'usage, ont perdu de leur affectivité au point d'être ravalés au rang de catachrèses. Au plan stylistique, donc, le langage poétique est constitué d'écarts linguistiques doublés d' écarts sémantiques. Ce faisant, la poésie conduit à une magnificence de la langue et à un exercice d'intelligence. Ici, l'essentiel n'est pas de dire mais, plutôt, la façon de dire. Comme le dit Raymond Quénaud : « Dire, pas seulement pour dire, mais bien dire, fait un  beau poème. » Ici, le mot est soumis à une espèce de manipulation, voire, de trahison, au regard de son emploi objectif et l'artiste-poète a tendance à l'idolâtrer. Cela suppose une richesse vocabulariale et une mise à jour de la grammaire. La poésie, donc, forge à la bonne expression tant orale qu'écrite.

     

     

    II- La poésie, une œuvre de lumière.

     

         Dans son œuvre Les rayons et les ombres, Victor Hugo dit ceci :

      « Peuples

         Ecoutez le poète

         Ecoutez le rêveur sacré

         Dans vos nuits sans lui complètes

         Lui seul a le front éclairé ».

     

       Ainsi, la poésie, du fait de son origine métaphysique, produit de la lumière. Car le poète rêve d'un monde idéal, totalement déconnecté de celui du vécu concret, marqué qu'il est par la corruption. Le monde dont il tient son inspiration est un monde célestifié, un monde d'harmonie, un monde où sont en phase toutes les entités qui sont en inimitié dans le monde objectif. Ce monde, le professeur Zadi l'appelle « le monde parallèle de l'harmonie universelle ». Djèlénin-nin pour toi mon Afrique, notre œuvre, le décrit dans l'extrait suivant :

          « Le lion à table avec la biche rient aux éclats

             La lune a la virtuosité du tchatchatcha avec les jeunes filles plantureuses la

             Nuit

             Echangeant des câlins l'épervier et le poussin s'offrent le tourisme de            l'univers sans s'égratigner du tout

             Le loup et l'agneau euphoriques entonnent à l'unisson un concert de réjouissance

             Le serpent et le mangouste ne peuvent que se communiquer de la romance

              Le jour et la nuit partagent les mêmes horaires

              La poésie à l'honneur. » (P19).  

                 Le poète, donc, sert de courroie de transmission entre les deux mondes. C'est pourquoi, Victor Hugo soutient que le poète est un mage qui conduit l'humanité vers la vérité. Et Platon de renchérir que le poète est un wates, c'est-à-dire, un devin. Ce n'est peut-être pas étonnant que la poésie ait aidé des peuples à se forger une identité, à interpeller des consciences mal disposées. A ce propos, le mouvement de la négro-renaissance au début du 20e siècle aux Etats-Unis, amené par William Dubois, et la négritude au milieu du siècle, amenée par Senghor et Césaire, ont permis de valoriser l'âme noire et de réduire le fossé haineux et de méfiance entre les deux races. Aujourd'hui, le noir, en quelque sphère qu'il se  trouve, peut avoir les ambitions de son goût et aspirer à quelque poste de ses rêves. 

     

     

    • III- La poésie, une œuvre de culture.

     

                            Dans une économie de langage qui  caractérise son art, le poète a l'art de      combiner plusieurs notions de natures différentes et d'origines diverses. C'est son ouverture sur l'univers, aidée de sa personnalité sensible, qui lui donne une imagination fertile. Sueur de lune, notre troisième œuvre, poétise la réalité évoquée comme suit :

                     « Qui parle d'exégèse ici

                         Le guide éclairé n'est point un exégète

                         Le guide éclairé est immergé-vocabularial.

                         Il est sensible, émotif, rêveur

                         Il est ouvert en microcosme de l'univers

                         Il entretient en lui un monde parallèle.

                         Il crée des situations du néant, intuitivement

                         De son palais

                         Sur support graphique. » (P27).

              La culture devrait être abordée, ici, dans ses deux sens ; à savoir l'ouverture sur l'univers, d'une part, et, de l'autre, le savoir intrinsèque d'un peuple qui lui vaut d'être une digne composante de l'espèce humaine aux côtés d'autres peuples et qui est conséquent à ses rapports avec la nature, la géographie, l'Histoire , la sociologie etc...

    La poésie est le langage des dieux quand la culture, elle, est l'œuvre des dieux. Les deux concepts sont, donc, magnétiques.

     

     

     

       Conclusion

     

    Le sacerdoce langagier, l'œuvre de lumière et l'œuvre de culture, qui identifient la poésie, conditionnent les critères que remplit l'âme du poète, à savoir qu'il est sensible, qu'il dispose d'un bon répertoire du vocabulaire et qu'il est ouvert sur l'univers,donc, qu'il est cultivé.

    En définitive, la poésie est une espèce de science-fiction  comme l'a fait Jules Verne qui, dans les années 30 et 40, promouvait le roman de science-fiction qui se fondait sur les découvertes scientifiques du siècle pour créer un univers de fiction, un univers totalement invraisemblable. Les thèmes principaux de ses écrits étaient le voyage à travers le temps, le voyage à travers l'espace et le contact avec des civilisations extraterrestres. La poésie, aussi, dans la même période, sous le vocable du surréalisme, s'est émancipée et a connu un essor probant. Toutefois, il s'agit, pour la poésie, de créer un univers invraisemblable, non en se fondant sur les découvertes scientifiques, mais, plutôt, sur les découvertes de la langue, mieux, il s'agit de faire étale d'ingéniosité en se fondant sur l'orthodoxie de la langue. Et le mot, plus petite unité du fonctionnement linguistique subit des fards des plus impressionnants. Il n'est pas inutile de souligner que l'univers invraisemblable créé, en plus d'enrichir intellectuellement, favorise une évasion qui concourt à l'équilibre de l'être.

     

     

     

              

    Bibliographie.

     

     

    Adam (André) :     Le texte descriptif,  Ed Nathan, Paris, 1989.

    Grevisse ( Maurice) : Le bon usage de la grammaire française,Ed Duculot,        Paris,1988.

     

    Alberès ( Réné-Marill) : La révolte des écrivains d'aujourd'hui, Ed Corréa, Paris, 1949.

     

    Gleize ( Jean-Marie) : Poésie et figuration, Ed Seuil, Paris, 1983.

     

    Kristeva (Julia) : La révolution du langage poétique, Ed Seuil, Paris, 1974.

     

    Locha ( Matéso) : Anthologie de la poésie d'Afrique noire d'expression française,

    Ed Hatier, Paris, 1987.

     

    Picot ( Guillaume) :, Poésie lyrique au moyen âge, Ed Larousse, Paris, 1965.

     

    Riffaterre ( Michael) : Sémiotique de la poésie, Ed Seuil, Paris, 1983.


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  • C'est bientôt les élections en Côte d'Ivoire, tout le monde en parle...Je suis écoeuré de voir ces candidats prendre ce pays comme une poubelle à ordure...Eh, toi là, tu va laisser un...diriger l'héritage que ta mère patrie t'a légué comme si toi, tu n'est pas digne de prendre soin de cet héritage ;tu va laisser un...diriger ce pays alors qu'à l'age de 25 ans il a fêté ses miliards et que des jeunes de cet âge chôment;tu vas laisser un...gouverner,et pendant qu'il était au pouvoir,il n'a rien sous prétexte que...;tu vas laisser un...prends ce pays comme un théâtre où on sera affublé; tu vas laisser une... être présidente...as tu déjà vu dans les saintes écriture une femme diriger une nation? Je ne suis pas hypocrite, mais c'est la vérité...; tu vas laisser un...transformer la Côte d'Ivoire en temple de prière croyant être le seul croyant; tu vas laisser un...qui se reveille un matin et dit c'est une révélation divine te gouverner, l'asile de Bingerville n'est pas loin; tu vas laisser un... ton choix du 31 octobre 2010 tracera les sillons de ton sort dans l'avenir... Politicien pissancie a men hi dès! TOUS AU VOTE, C'EST UN DEVOIR...


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    EUGENE DERVAIN : UN AFRICANISTE OU UN NEGRETUDIEN ?

    ETUDE DE « A MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965 » ET « DUEKOUE » DANS UNE VIE LISSE ET CRUELLE D'EUGENE DERVAIN

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mini mémoire de Maîtrise

    Option : Poésie et quête de connaissance

     

     

     

     

     

     

    Présenté par :                                                                                                 Séminaire animé :

    Adou Valery Didier Placide                                                                            Dr. Hélène N'GBESSO

    BOUATENIN                                                                                               Maître assistante

     

     

     

     

     

     

    Année universitaire

     2009-2010

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    EUGENE DERVAIN : UN AFRICANISTE OU UN NEGRETUDIEN ?

    ETUDE DE « A MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965 » ET « DUEKOUE » DANS UNE VIE LISSE ET CRUELLE D'EUGENE DERVAIN

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mini mémoire de Maîtrise

    Option : Poésie et quête de connaissance

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Année universitaire

     2009-2010

     

     

    SOMMAIRE

     

     

     

    Introduction                                                                                                                            3-4

     

    Partie I : DERVAIN et l'Afrique                                                                                             5

     

    • I- L'image de soi de DERVAIN 6

     

    II-        La vision de l'Afrique par DERVAIN                                                             9

     

    Partie II : DERVAIN et la négritude                                                                                        13

     

    • I- DERVAIN: africaniste ou négritudien? 14

     

    II-        La négritude de DERVAIN                                                                                        18

     

     

     

    Conclusion                                                                                                                             21

     

    Bibliographie                                                                                                                          22

     

     

     

    Tables de matières                                                                                                                 23

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    EUGENE DERVAIN : UN AFRICANISTE OU UN NEGRETUDIEN ?

    ETUDE DE « A MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965 » ET « DUEKOUE » DANS UNE VIE LISSE ET CRUELLE D'EUGENE DERVAIN

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mini mémoire de Maîtrise

    Option : Poésie et quête de connaissance

     

     

     

     

     

     

    Présenté par :                                                                                                 Séminaire animé :

    Adou Valery Didier Placide                                                                            Dr. Hélène N'GBESSO

    BOUATENIN                                                                                               Maître assistante

     

     

     

     

     

     

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    EUGENE DERVAIN : UN AFRICANISTE OU UN NEGRETUDIEN ?

    ETUDE DE « A MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965 » ET « DUEKOUE » DANS UNE VIE LISSE ET CRUELLE D'EUGENE DERVAIN

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mini mémoire de Maîtrise

    Option : Poésie et quête de connaissance

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Année universitaire

     2009-2010

     

     

     

    SOMMAIRE

     

     

     

    Introduction                                                                                                                            3-4

     

    Partie I : DERVAIN et l'Afrique                                                                                             5

     

    • I- L'image de soi de DERVAIN 6

     

    II-        La vision de l'Afrique par DERVAIN                                                             9

     

    Partie II : DERVAIN et la négritude                                                                                        13

     

    • I- DERVAIN: africaniste ou négritudien? 14

     

    II-        La négritude de DERVAIN                                                                                        18

     

     

     

    Conclusion                                                                                                                             21

     

    Bibliographie                                                                                                                          22

     

     

     

    Tables de matières                                                                                                                 23

     

     

     

     

     

     

     

    INTRODUCTION

     

     

     

                « La poésie, exploration du monde et de la vie, est comme la science, au cœur de la connaissance, [et] la connaissance est l'aboutissement provisoire d'un processus, celui de l'appropriation d'un objet, d'un fait, d'un phénomène, d'une manière de comprendre. Elle est médiatisée par un savoir antérieur qui s'incarne dans différents discours. Par eux transite l'intentionnalité de l'énonciateur, sa tentative de produire, de manipuler, d'organiser, de recevoir et de manifester un savoir »1. Tous les discours possèdent une dimension cognitive, régie selon Barthes par au moins trois forces : mathesis, mimesis, semiosis. C'est-à-dire le savoir, la représentation et la reproduction de sens. La poésie a ceci de particulier qu'elle exerce ces trois forces sur les matériaux discursifs eux-mêmes « parce qu'elle met en scène le langage [..] »2. Le langage, pour beaucoup de théoriciens, est le substitué du discours, et G.E Sarfati d'affirmer que « le discours est le langage mis en action ; la langue assumée par le sujet parlant »3 ou quand l'individu se l'approprie « [il] se tourne en instance de discours »4. Le discours pris comme texte sera l'objet de recherche de plusieurs théoriciens car l'analyse d'un texte, surtout de « la production poétique ne correspond pas forcement aux idées qu'on a sur elle [...]. Mise en scène discursive de l'expérience de la vie, la poésie est inséparable de la connaissance »5. Elle devient alors un outil de la quête de connaissance, le lieu même où se constitue peu à peu cette connaissance qui passe par la recréation du monde par le poète. La poésie, écrivit Novalis, «  met en mouvement le fond de l'âme »6 du poète.

    Acceptant que la connaissance de l'être et du monde peut passer par le faire, par l'acte de l'écriture, et que c'est dans le lyrisme qu'on exprime ses émotions et qu'on saisit l'homme comme l'affirme Hermann Broch: «  Il faut représenter l'homme dans toute sa gamme de

    ses expériences vécues, en allant de ses possibilités physiques et de ses sentiments au domaine moral et métaphysique, d'où un appel immédiat au lyrisme, seul capable d'en fournir l'expression ». Et  aussi parce qu'  « un poème est, à nos yeux, réalité vivante, et aucune entreprise ne se justifie, qui a pour résultat de désintégrer et de tuer la vie qui l'anime »8, nous avons jugé bon de montrer à travers deux poèmes de UNE VIE LISSE ET CRUELLE qu'Eugène DERVAIN, l'auteur de l'œuvre en question, est soit un africaniste soit un négritudien. UNE VIE LISSE ET CRUELLE9, d'où sont extraits nos deux poèmes intitulés À MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965 (pp.25-27) et DUEKOUE (pp.31-32), est un recueil de poèmes, édité en 1999 par EDILIS en Côte d'Ivoire, qui traduit la puissance de la parole libérée.

     

     

     

    1-                    Annie BRISSET, la poésie pense : une modalité assomptive de la connaissance.

    2-                    Roland BARTHES, Parole, pp 17,19-20

    3-                    G.E Sarfati, Précis de pragmatique, Paris, NATHAN,

    4-             Emile BENVENISTE

    5-             Cf. note 1

    6-             Idem, Novalis que cite Annie BRISSET

    7-             BROCH Hermann, Genèse du livre, les Irresponsables. Tr. A. Picard, Paris, Gallimard, p.290

    8-             Marcel TOWA, Leopold Sedar Senghor: Negritude ou Servitude? , Yaoundé (Cameroun), Edition CLE, p.9

    9-                    Eugène DERVAIN, UNE VIE LISSE ET CRUELLE, Abidjan, EDILIS, 1999 : œuvre d'où sont extraits nos textes supports (le corpus de notre mini mémoire).

    A chaque poème, le lyrisme des mots, dans leur reprise, leur répétition, leur opposition est tout un style à travers lequel le poète réveille les souvenirs de sa vie, depuis Aragon, Eluard, A. Spire, Césaire, Hampaté Bâ et bien d'autres, et exprime ses préoccupations profondes pour l'Afrique.

    Sans perdre «  la signification générale et l'articulation interne »10 des poèmes est la difficulté rencontrée lors de notre investigation car « l'étude d'une œuvre poétique peut être abordée de multiples façons, dont certaines semblent faites pour permettre d'en éluder la signification. [Et parce qu'aussi] Tout discours, et spécialement tout discours poétique s'offre comme une totalité organique et signifiante. C'est la totalité qui signifie et chacune de ses parties composantes ne tire son sens que de cette signification globale »11. Et enfin, parce que « L'exégète choisit le plus souvent ses outils en fonction de sa propre culture théorique qu'il adapte à son objet d'étude »12.

    Par quelle(s) méthode(s) pouvons-nous explorer le sujet que nous nous sommes proposé : « Eugène DERVAIN : un africaniste ou un négritudien ? » ?

    Comment les deux poèmes proposés peuvent-ils expliciter notre sujet ?

    Qu'est-ce qu'un africaniste ou un négritudien ?

    Eugène DERVAIN est-il un africaniste ou un négritudien au sens premier des termes ?

    Pour répondre aux différents problèmes spécifiques de notre sujet, nous nous sommes proposés de saisir le poète dans son propre discours à travers la théorie de l'énonciation, et sans oublier « la psychologie individuelle de l'auteur »13 à travers la psychocritique. Ces deux méthodes qui nous semblent fiables pour appréhender « la signification et l'articulation interne »14 des poèmes seront renforcées par une synthèse explicative. Pour mieux saisir donc ces méthodes à travers les deux poèmes susmentionnés nous verrons successivement l'image de soi de DERVAIN, la vision qu'a DERVAIN de l'Afrique, DERVAIN : un africaniste ou un négritudien ? Et la négritude de DERVAIN

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    10-                  Cf. note 8, p.3

    11             Idem

    12-            C..Andriot-Saillant, Lecture de la poésie sous forme d'esquisse

    12-                  Cf. note 8, p.3

    13-                  Idem

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    PARTIE I : DERVAIN ET L'AFRIQUE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    •I-                 L'IMAGE DE SOI DE DERVAIN

     

     

     

    L'image de soi, c'est la projection que tout sujet parlant en situation de communication fait de lui dans son propre discours ; c'est une opinion qu'on bâtit sur soi- même dans son propre discours. Autrement dit, c'est l'inscription de tout usager de la langue dans son propre énoncé. Selon la thèse de Paul Grice, que cite le professeur Bohui Hilaire dans son cours, « un énoncé, dans certaines situations de discours peut transmettre infiniment plus d'informations au destinataire du message que son sens littéral ne le laisse penser »1 or la poésie est avant tout un énoncé adressé à une tierce personne. Pour saisir donc cette image de DERVAIN, nous allons identifier dans le corpus (les poèmes sur lesquels nous travaillons)2 les manifestations de l'inscription du poète dans son discours et puis analyser le corpus à travers eux pour montrer que le poète se voit comme un apatride et comme un africain.

     

    •1-     COMME UN APATRIDE

     

    Un apatride, pouvons-nous dire avec désinvolture, c'est un « sans patrie ». Un apatride est une personne qui n'a pas ou qui n'a plus de nationalité. Dire qu'Eugène DERVAIN est un apatride, c'est dire qu'il n'a pas de nationalité ou qu'il n'a plus de nationalité. Ce n'est pas nous qui le disons mais sa présence dans son énoncé nous le fait dire. En effet, le poète est présent dans les deux poèmes3 par les indices d'énonciation.

    Le poète, par l'emploi des indices de personne et de possession, s'implique dans son discours et se laisse saisir comme une personne qui n'a pas de patrie ou de nationalité. Il quitte tôt « la CARAIBE qui en silence prie »4 avec sa tante pour l'Afrique. Et là-bas, il sait qu'il est « étranger »5 et que l'Afrique est « une terre étrangère »6 à lui.

     

     

    1-          Pr. BOHUI Hilaire, cours sur le discours ; la pragmatique : une approche en analyse, dispensé aux étudiants de maîtrise à l'Université de Cocody, année 2009-2010.

    2-             Cf. note 9, p.3

    3-                    Idem

    4-             A MA TANTE QUI  DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 1965, vers 3, p.26 d'une vie lisse et cruelle

    5-             Idem

    6-             Ibidem

    Il dit « je suis né loin d'elle »7. Mais dans le deuxième poème8, Eugène DERVAIN reconnaît qu'il n'est « pas étranger »9.

    Nous sommes perplexes devant la confusion créée par Eugène DERVAIN. Cependant, le premier corpus10 est révélateur. Dans ce poème, DERVAIN n'est autre qu'une personne étrangère : « Personne n'a jamais dit que ce pays est nôtre »11. Le pronom possessif « nôtre » implique DERVAIN et sa tante, et dit que l'Afrique n'est pas la leur. Un peu plus loin, DERVAIN renie la couleur de sa peau : « Le hasard des courants a dilué ma peau »12, et accuse un certain « on » de l'avoir prêté « une couleur indécise ».13

    L'adjectif qualificatif « indécise » précise la subjectivité du poète. Il doute de sa race, de sa nationalité. Il est incertain. Ce « subjectivème »  trahit donc la personnalité et l'image du poète. Le même pronom impersonnel « on » est toujours au banc des accusés. C'est lui encore que le poète accuse pour justifier le fait qu'il n'a pas de nationalité : « quand on vous persuade que la race fait la nation »14. Si « la race fait la nation » comme il le dit, alors nous disons qu'il refuse sa nation  car le verbe « persuade » est le fait d'intimider, le fait d'essayer de convaincre, or Eugène DERVAIN n'est pas convaincu que «  la race fait la nation ». Le fait de renoncer à la race, à la couleur de sa peau implique le renoncement de la nation. Il renonce donc à la nationalité et devient du coup un apatride.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    7-             Cf. note 4, p.6

    8-             DUEKOUE, le deuxième poème de notre travail, extrait d'une vie lisse et cruelle, pp.31-32

    9-                    Idem, v.28, p.32

    10-            Cf. note 4 p.6

    11-            Idem

    12-            Ibidem

    13-            Cf. note 8

    14-            Idem

    2- COMME UN AFRICAIN

     

    Le poète, par sa présence dans les poèmes, a une image d'apatride. Cette image est très vite suppléée par une autre image de soi. Il se voit comme un africain. Est Africain, toute personne qui « est de l'Afrique »1, en d'autres termes qui appartient à l'Afrique. Et DERVAIN se dit appartenir ou être de l'Afrique :

     

    Lorsqu'à tous les instants chaque jour il me faut

    Fouiller dans ma mémoire et rappeler aux autres

    [...]

    [que l'Afrique est] ma patrie2

     

    Voici ce que dit Eugène DERVAIN de lui-même.

    Par l'emploi des adjectifs possessifs « mon », « ma », ... le poète s'attribue l'Afrique car « cette terre [lui est] chère »3. Il ne peut plus s'en passer. Il s'est trouvé une terre, une nation, et c'est l'Afrique. Ces adjectifs mettent en évidence une relation de réciprocité entre le poète et l'Afrique. Le poète dit être le possesseur de l'Afrique : « mon Afrique »4, et de l'Afrique être issu : « ma patrie »5. En effet, dans le mot « patrie », nous avons le mot « père » or le père est le géniteur. En d'autres mots, « patrie », dans son sens étymologique, signifie « pays du père »6. Acceptant alors ce sens premier du lexème « patrie », nous pouvons sans doute dire qu'Eugène DERVAIN, par « ma patrie », le pays de son père, dit appartenir à l'Afrique. Il est originaire de l'Afrique car l'Afrique est le pays de son père : « De me dire, mon Afrique, que tu es ma Patrie »7. Ce n'est pas surprenant de le voir dire dans DUEKOUE : « je ne suis pas étranger [...] »8.

     

     

     

    1-             Dictionnaire Universel de poche, Paris, Hachette, 1993, p.10

    2-             Cf. note 4, p.6, v. 21-23 et v. 32

    3-             Idem, v.28

    4-             Ibid, v.32

    5-             Ib

    6-             Dictionnaire pratique du français, Paris, Hachette, 1987, p.801

    7-             Cf. note 2

    8-             Cf. note 8, p.7

    Eugène DERVAIN peut se dire africain, et nous aussi, nous pouvons le dire sans faux-fuyants car les éléments de la métalinguistique qui parsèment les deux corpus9 prouvent qu'il est de l'Afrique : « le niger, ébriés, GRAND BASSAM, COCODY, ANOUMABO, BLOKOSS, FANTI, BETE, GUERE, NIABOUA, SENOUFO, les tambours, laghia (A MA TANTE QUI DECOUVRIS l'AFRIQUE EN 1965), DUEKOUE, tambour (DUEKOUE) ». Dans son discours, il ne se cache pas, il est africain et fier de l'être. Et l'Afrique, il la connaît car il est de l'Afrique, et l'Afrique est son continent.

     

     

    DERVAIN, croyant se cacher derrière le discours poétique10, a laissé des indices d'énonciation mettent à nu son image de soi. Il s'est d'abord défini comme un apatride avant de confirmer son statut d'Africain. Acceptant donc qu'il soit un africain, il aura une vision de l'Afrique.

     

     

     

     

     

    II-         LA VISION DE L'AFRIQUE PAR DERVAIN

     

    Nous ne saurons appréhender la vision du poète sans nous proposer une méthode d'approche. Pour mieux élucider cette vision, nous avons pris un certain parti qui «  veut que l'œuvre s'explique seulement par la psychologie individuelle de l'auteur »11. Il nous faut donc « procéder à la psychanalyse effective de l'auteur [...] »12. Et c'est à Mauron que revient le mérite d'avoir élaboré une méthode d'approche appelée psychocritique13.

     

     

     

     

    9-             Cf. note 8, p.7

    10-            Pour ne pas susciter une confusion, du discours poétique, nous retenons que le langage de la poésie.

    11-            Cf. note 8, p.3, il note la difficulté de cette méthode est qu'on rencontre.

    12-            Mauron (Charles), Des métaphores obsédantes aux mythes personnels, Paris, José Corti, 1978.

    13-                  Idem

    Cette méthode permet de mettre à nu la personnalité profonde de l'auteur, en d'autres termes l'état d'âme d'Eugène DERVAIN. A travers les mots, les expressions, les images qui reviennent de manière consciente ou inconsciente sous la plume du poète que Mauron appelle « métaphores obsédantes »14, nous allons montrer que l'Afrique pour DERVAIN est une quête identitaire et aussi une patrie.

     

    •1-     L'AFRIQUE, UNE QUETE D'IDENTITE

     

    Dans la carte d'identité15, Jean Marie ADIAFFI soutient, par le personnage Mélédouman, que l'identité d'une personne, c'est d'abord avoir un nom, puis une terre et enfin un peuple. C'est aussi la conception de l'identité chez l'africain. Partant de ce principe, nous pouvons dire de l'identité que c'est l'acceptation de l'être en tant que tel, et Eugène Dervain est à la recherche de cette terre, de ce peuple pour établir son identité. Il en est obsédé.

    Dans le corpus16, le mot « terre » est occurrent et laisse sans doute dire que le poète est obsédé de posséder une terre. Nous avons dans A MA TANTE QUI DECOUVRIS L'AFRIQUE EN 196517 « la terre (v.26), cette terre (v.28) » et dans DUEKOUE18 « terre amoureuse (v.6), voici la terre (v.14) ». Il a besoin d'une terre pour être chez lui pour ne pas qu'on dise de lui qu'il est « un étranger »19. Ce n'est pas seulement le mot « terre » qui forme la métaphore obsédante de DERVAIN. Il y a aussi « la forêt, la savane, la mer, plante, la floraison, des feuilles d'herbe, la montagne... ». Ces mots utilisés, épars, par le poète révèlent un cadre, un environnement, un lieu, un espace géographique qu'il se crée dans son esprit, dans sa conscience, et où il fait bon vive : « la douceur, sa fraîcheur, fécondité, féconditer ».

    Nous voyons un poète qui, des éléments communs et connus, et propres à la nature, crée son univers pour s'établir et s'installer. Il est aussi angoissé par la couleur de sa peau.

     

     

     

    14-            Pr. Jean Marie KOUAKOU, cours sur la méthodologie critique : la psychocritique, présenté par Dr. Vahi Y. aux étudiants de Licence de Lettres Modernes à l'Université de Cocody/ Abidjan.

    15-            Jean Marie ADIAFFI, La carte d'identité, Abidjan, CEDA, 1980, pp.28-29

    16-            Cf. note 9, p3

    17-            Cf. note 4, p.6

    18-            Cf. note 8, p.7

    19-            Idem

    Il refuse le fait d'être ce qu'il n'est pas. Il refuse d'être ce que la couleur de la peau lui impose. Il y a un refoulement20 total de son être et de sa chair. Un refus total de l'acceptation de la couleur de sa peau. Ce refus, ce refoulement assez constant dans l'inconscient du poète fait jaillir la personnalité du poète. Pour lui, la couleur de sa peau a été diluée : « Le hasard des courants a dilué ma peau »21 ou c'est « une couleur indécise » et prêtée22. Dans son subconscient, son inconscient, il refuse le principe que « la race fait nation »22. Son refus d'être identifié par la couleur de sa peau ou par la race l'amène à affirmer une identité qui lui est propre mais encore ambiguë.

    Il semble épouser l'Afrique car « cette terre [d'Afrique lui] est chère [et cette terre ne lui est pas] étrangère »23. Il se reconnaît en Afrique, il saisit son être en Afrique car « les tambours par ici ne battent pas laghia »24 et « le son de [son] tambour [est] comme le son [de l'Afrique] »25. « Les siècles ont passé sur mon esclavage »26, un souvenir de l'histoire de l'Afrique, et ce souvenir parsème les poèmes : « le souvenir, mon souvenir, ma mémoire, mon rêve ». Ce qui renvoie à son enfance. Une enfance traumatisée du fait qu'il n'est ni blanc ni noir. C'est ce fait qui l'amène à chercher une identité en l'Afrique. Eugène DERVAIN est en quête perpétuelle identitaire. La quête d'identité est donc son mythe personnel27. Savons-nous qu'il saisit son être en Afrique, alors que sera l'Afrique pour lui ?

     

     

    2- L'AFRIQUE, UNE PATRIE

     

    Dire non à la race qui fait nation, Eugène DERVAIN doit trouver un idéal, un cadre pour se réaliser. Et ce cadre, c'est l'Afrique. Il semble trouvé en Afrique son identité car il est baigné dans la pure perfection de l'Afrique28 :

     

     

     

    20-            Thierry Bonfanti, Michel Lobrot, la psychanalyse, Paris, Hachette, 1995-1999

    21-            Cf.note 4, p.6

    22-            Cf. note 8, p.7

    23-            Cf. note 4, p.6

    24-            Idem

    25-            Cf. note 8, p.7

    26-            Idem

    27-            Cf. note 12, p.9

    28-            Cf. note 8, p.7

    J'avais rêve de baigner mon rêve dans la pure perfection de

    ton corps Afrique.

    Et son Afrique à lui, c'est « GRAND BASSAM, COCODY, ANOUMABO, BLOKOSS »29 et « DUEKOUE »30. C'est l'Afrique des « semailles [et des] moissons »31. C'est l'Afrique où « un rendez-vous d'amour  est toujours un printemps »32. C'est l'Afrique où les peuples tels que « FANTI, BETE, GUERE, NIABOUA, SENOUFO » l'ont accepté. C'est l'Afrique, en général, et la Côte d'Ivoire, en particulier. Le continent africain trouble la conscience du poète et submerge à la surface de son inconscient : « mon Afrique, AFRIQUE, Ton corps AFRIQUE ». Au fur et à mesure que le poète progresse, l'écriture du mot « Afrique » change de Caractère scriptural. Ce qui révèle l'importance que ce dernier accorde à l'Afrique. Aux yeux du poète, l'Afrique a une grandeur, et elle est importante. C'est cette Afrique que « le poète [...] entend demeurer fidèle »33. L'Afrique, c'est celle qui a dit au poète tu n'es pas « étranger » mais frère, fils car c'est « [ton] Afrique », et lui de lui répondre « [...] tu es ma patrie ».

    L'obsession d'appartenir à l'Afrique est tellement grande qu'il se contente de dire « tant pis s'il faut t'aimer silencieusement ». Non seulement le mot « Afrique » revient plusieurs fois dans le corpus mais aussi les mots tels que « la ville, ce pays, nation, ma patrie » coulent sur la plume du poète. Sa soif de trouver une identité est satisfaite. Il a enfin trouvé son identité, l'identité dans la conception africaine, « [...] Puisque tout ici [l'] appartient et atteste ce qu' [il est, qu'il est] »34.

     

     

    DERVAIN, sans se rendre compte qu'il est à la quête perpétuelle d'une identité, va soulager son manque par une identité qu'il s'impose lui-même ; celle de l'Afrique. S'attribuer une identité africaine n'est-il pas se considérer comme un connaisseur de l'Afrique ou comme un défenseur des valeurs africaines ?

     

     

     

    29-            Cf. note 4, p. 6

    30-            Cf. note 8, p.7

    31-            Idem

    32-            Cf. note 4, p. 6

    33--                 Cf. note 8, p.3

    34-            Cf. note 4, p. 6

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    PARTIE II : DERVAIN ET LA NEGRITUDE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    •I-                      DERVAIN : AFRICANISTE OU NEGRITUDIEN ?

     

     

     

    Nous touchons ici le but de notre mémoire1, celui de montrer qu'Eugène DERVAIN est soit un africaniste soit un négritudien. Cependant, il n'est pas question d'appliquer une méthode critique quelconque pour appréhender le sujet2. Nous avons déjà fait appel à deux méthodes critiques3. Cette dernière partie est une sorte de synthèse que nous avons appelée « synthèse explicative ». Synthèse explicative, parce qu'il est question de dire ce que nous avons retenu de la première partie ; parce qu'il est question aussi d'expliquer les poèmes par une sorte de lecture méthodique4. C'est pour toutes ces raisons que nous avons optées pour cette démarche un peu personnelle. Dans cette démarche, nous verrons successivement DERVAIN en tant qu'africaniste, et DERVAIN en tant que négritudien et la négritude de DERVAIN.

     

     

    •1-          DERVAIN, UN AFRICANISTE

     

    Un africaniste est un « spécialiste des langues et civilisations africaines »5. Pour étendre cette définition du dictionnaire, nous pouvons dire qu'africaniste est une personne qui s'intéresse à l'Afrique parce que son histoire, son origine est l'Afrique. C'est aussi un écrivain latin ou européen originaire de l'Afrique.

    Partant donc de cette définition, nous voyons Eugène DERVAIN en tant qu'un africaniste au sens premier du terme. En effet, dans ses poèmes, il se présente comme un africain6 car il dit appartenir à l'Afrique. L'Afrique, il la connaît, avons-nous dit. « Conscient d'être un individu hybride, étranger à lui-même comme à ses frères de race »8, Eugène DERVAIN

     

     

    1-             Allusion au thème de notre mini mémoire : Eugène Dervain, un africaniste ou un négritudien ?

    2-             Allusion au titre du grand I de la deuxième partie.

    3-                    Allusion aux méthodes utilisées dans la première partie de notre travail.

    4-             Il n'est pas question d'appliquer concrètement la lecture méthodique.

    5-             Petit Robert, 1972

    6-             Voir l'image de soi : comme un africain, pp. 8-9

    7-          Idem.

    8-          Jacques Chevrier, la littérature nègre, Armand Colin/Nouvelles Editions Africaines

    renonce à la couleur de sa peau parce qu'il n'est pas ce qu'il est, c'est-à-dire hybride ;

    parce que la couleur de sa peau est une couleur de circonstance; parce que dans ses veines coule le sang africain ; parce que la couleur de sa peau est le fruit de l'esclavage10.

    Les siècles ont passé sur mon esclavage

    au bout desquels on m'a fait ce prêt d'une couleur indécise

    quand on vous persuade que la race fait nation

     

    Dervain est un spécialiste des langues africaines car il parle bien « FANTI, BETE, GUERE, NIABOUA, SENOUFO »11 et des civilisations africaines car il sait qu'à DUEKOUE « [...] l'homme plante et ne tue pas l'épervier »12. Pour s'intéresser à l'Afrique, il faut, comme le dit Alain Ricard, commencer par apprendre une langue africaine13. Et c'est ce qu'a fait Eugène DERVAIN, lorsqu'il cite les langues parlées en Afrique voire en Côte d'Ivoire dans ses poèmes. Il découvre l'Afrique en même temps que sa tante, et l'épouse comme sa patrie car il était en quête perpétuelle d'une identité, et voila qu'il la découvre au cœur de l'Afrique, surtout de la Côte d'Ivoire. Il s'est profondément enraciné dans le continent africain qu'il laisse « l'Afrique [palpiter] au cœur de ses préoccupations »14. En le lisant de près, on verra qu'il se dit plus africain que les africains eux-mêmes :

    De me dire, mon Afrique, que tu es ma patrie15

    [et que]

    Je ne suis pas étranger à l'enivrement de ce matin.16

    Car il est fier d'être un africain, et il s'enorgueillit que l'Afrique soit sa patrie. L'africanisme d'Eugène DERVAIN a un nom, c'est « l'ivoirianisme » ou « l'ivoirisme ». C'est-à-dire propre à la Côte d'Ivoire. S'approprier l'Afrique n'est-elle pas une manière de proclamer sa négritude ?

     

     

    9-             Allusion à un poème de Bernard DADIE.

    10-            Cf. note 8 p7

    11-            Cf. note 4 p.6

    12-            Cf. note 8 p7

    13-            Alain RICARD, De l'africanisme aux études africaines. Textes et « humanités ».

    14-            Voir la note de F.X. Cuche à la deuxième page de couverture de UNE VIE LISSE ET CRUELLE.

    15-            Cf. note 4 p.6

    16-            Cf. note 8 p7

     

    •2-    DERVAIN, UN NEGRITUDIEN

     

    Le concept de la négritude est « un champ de possibilités interprétatives »17, c'est-à-dire ce terme est ouvert à toutes sortes d'interprétations, et les encres des critiques ne cessent de couler. Pour cela, il est préférable de connaître la définition que lui accordent ses concepteurs. Césaire la définit ainsi18 :

    La Négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir et l'acceptation de ce fait , de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture.

    Et Senghor l'explique en ces termes19 :

    La  Négritude, c'est l'ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telle qu'elles s'expriment dans la vie, les institutions et les œuvres des Noirs. Je dis que c'est là une réalité : un nœud de r&e


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  • INTRODUCTION

                D'une manière générale, le rythme est défini comme « la répétition périodique d'un repère, auditif on visuel ; par exemple : celui des battements du cœur, d'un  feu clignotant »1.

    Définie ainsi, cette notion universelle est au confluent de plusieurs disciplines dans le domaine scientifique.

    En littérature, et plus précisément en poésie, ce vocable a une pluralité d'acceptions. Mais  conformément à l'orientation de notre travail, quelques unes retiendront notre attention.

    Pour les Classiques, « le mot rythme n'était qu'un synonyme de mètre pour désigner la distribution d'une durée en intervalle réguliers, marqué par le retour de repères sonores (accents, rimes ou pauses) »2. Vu sous cet angle, le rythme se caractérise par le mesurable, la répétition et la périodicité.

    A contrario, avec les Romantiques, le rythme est perçu  « comme un principe d'interruption, qui maintient pourtant le cadre de la symétrie »3.  Ce qui voudrait dire que c'est la marque de la rupture de la cadence, de la régularité qui fonde le rythme pour les Romantiques.

    Ainsi, selon ces deux époques littéraires, le rythme se résumait en la présence de l'identique et de son contraire dans un texte.

    Selon Gerard Dessons et Henri Meschonnic, Classiques et Romantiques se rejoignent dans leurs conceptions du rythme. D'une part, parce que le « couple fondamental de la symétrie et de la dissymétrie » 4 maintient toujours l'idée de la binarité qui est liée à la métrique. D'autre part, parce qu'avec ces deux courants littéraires, le rythme demeure un élément formel du texte. Or, réduire le rythme à l'aspect morphologique dans un texte, c'est en faire une donnée relevant uniquement de la langue et non de la parole ou du discours. Pour Ferdinand de Saussure, tandis que la langue est un code d'expression social bâti sur des signes fixes, « la parole est au contraire un acte individuel de volonté et d'intelligence »5. Perçue ainsi, la parole ou le discours se distingue de la langue par son individualité et sa mobilité.

    Pourtant, Emile Benveniste, dans son article de 1951 sur la notion de rythme, a montré que dans l'antiquité, avec les philosophes ioniens et les poètes lyriques, le substantif rythme était strictement appliqué aux « configurations particulières du mouvant »1 Autrement dit, ce mot referait aux formes précises prises par les corps mobiles.

    S'inspirant de cette réflexion de Benveniste, Meschonnic déduit que le rythme dans le langage est plutôt solidaire du discours que de la langue. Pour lui, « le rythme, organisation des marques dans le discours, est l'organisation du sens dans le discours »2 Explicitement, le rythme, selon Meschonnic, est l'organisation de tous les éléments textuels par lesquels le discours signifie. Le rythme perd ainsi sa prédictibilité et son caractère figuratif pour être vecteur de sens. Il peut, par conséquent, être un moyen efficace pour la connaissance du monde et du poète à travers sa production.

    Dans ce sens, l'étude du thème "le rythme comme mode de signifier" cadre bien avec l'intitulé de notre séminaire de poésie à savoir " Poésie et quête de la connaissance".

    Dès lors, nous appliquerons ce thème à un poème d'Emile Dervain tiré de la  page 3 de son œuvre Une vie lisse et cruelle. Il s'agira dans cette analyse de répondre à l'interrogation suivante : Comment le rythme produit- il sens dans ce poème de Dervain ? Cette question induit d'autres qui lui sont rattachés notamment : quel est le mode de fonctionnement du rythme selon Meschonnic ? Quelle différence existe-t-il entre ce mode et celui des poètes traditionnels français ? 

    Pour résoudre cette problématique, nous nous attèlerons, de prime abord, à montrer à partir du corpus le mécanisme d'opération du rythme selon les classiques. Puis, nous marquerons un point d'honneur sur la procédure de fonctionnement du rythme selon l'entendement de Meschonnic. Pour finir, nous dégagerons le sens que laisse lire le rythme dans ce poème de Dervain. 

     

     

     

     

     

     

     

     

    I-MODE DE FONCTIONNEMENT DU RYTHME CLASSIQUE DANS    

        LE TEXTE

                Selon Claude Peyroutet, le rythme dans l'entendement classique « nait du retour de temps forts à intervalles réguliers. La rime, les parallélismes syntaxiques, les répétitions contribuent à rythmer les vers mais le rôle essentiel revient aux accents et aux coupes »1.

                En nous fondant sur ce propos, nous mettons en évidence le rythme dans le poème objet de notre réflexion.

     

    •1-    L'accentuation et les pauses métriques dans le poème de Dervain     

     

     

    J'ai parcouru / les mers //, j'ai dévalé /  les mornes

     Poursuivant / de mon rê//ve un désir / qui fut vain

    Je m'enivrai / d'espoir // beaucoup / plus que de vin

    D'une passion / perdue,// j'ai reculé / les bornes.

     

    On me dit / que la mer / ou le ciel / la vipère / ou le viorne

     Devraient / mettre en mes veines // un peu / de sang divin.

    Etre un peu / plus satyre // et un peu / moins Dervain

     

     

    Je repousse / cette offre // et je préfère / encore

    Rechercher / dans ton om//bre où le soleil / s'endort

    Le reflet / de mon sang // comme un jour / naissant rouge

     Sur la mer / Caraïbe // glori-eux2/ et fervent

     

     

    Je t'invite / au repos // quand toute cho/se bouge

    Viens, partage / avec moi // l'espoir / d'être vivant...

     

     

     

     

     

    •2-    Notes sur la mise des accents et des pauses métriques dans le texte support

    Ce poème est composé de treize vers regroupés en quatre strophes. Celles-ci se singularisent par une dissemblance typographique. Tandis  que la première et la quatrième strophe sont des quatrains, la deuxième et la dernière sont respectivement un tercet et un distique. Par ailleurs, le décompte syllabique de ce poème révèle que hormis le vers 5 qui a quinze syllabes, les douze autres vers sont des alexandrins.

    Bernard Zadi Zaourou, dans son article intitulé "Notes brèves sur le rythme négro-africain" affirme que cet état  formel impose aux alexandrins deux types d'accents notamment : « un accent fixe sur lequel s'appui la césure, un autre accent fixe sur la clausule (il s'agit du dernier membre du vers) »1, « un accent mobile situé dans le premier hémistiche, quelque part et au gré du poète.»2

                L'alexandrin se caractérise donc par deux accents prédéterminés et deux autres accents subjectifs.

                En outre, relativement aux notions de coupe et de cesure, nous jugeons nécessaire de les définir. A ce propos, Jean Mazaleyrat et Georges Molinié affirment que « la césure en fait (marque ordinaire dans les conventions d'analyse : deux barres de séparation //) n'est rien d'autre, qu'elles qu'en soient les formes historiques et les réalisations, que le point où, dans un système binaire, se fait le départ entre deux séries syllabiques (dites hémistiches) constitutives du vers »3.

    Au sujet de la  coupe, ces même auteurs disent qu'elle « n'est rien d'autre que le point de séparation des mesures, c'est-à-dire des groupes syllabiques (délimitées par leurs accents) dont la combinaison perceptible forme l'hémistiche et le vers. Représentation ordinaire selon les conventions d'analyse. Une barre de séparation (Aria/ne ma sœur...) »4

    La césure et la coupe sont des pauses différentes au sein du vers ou encore des pauses métriques.

    Au regard de ces deux définitions et de l'article de Bernard Zadi Zaourou précité, nous avons procéder à  l'accentuation et à la mise des césures et des coupes dans notre corpus. Cela est perceptible dans la partie de notre travail intitulé "l'accentuation et les pauses métriques dans le poème de Dervain".

             Cette opération, si nous nous en tenons strictement aux normes classiques, est révélatrice d'un rythme binaire de divers genres. Selon Claude Peyroutet, « si le vers comprend 2 ou 4 accents toniques, le rythme est binaire »1. De surcroît, il précise que ce rythme binaire peut, selon le cas, être  « régulier », « symétrique », «  croissant  » ou « décroissant ».

                Dans notre corpus, tous ces types de rythme binaire sont identifiables. En effet, si nous considérons toutes les mesures dont ils sont constitués, les vers 1,2,4,6 et 8 ont un rythme symétrique car ils présentent la configuration métrique suivante :"4 / 2 // 4 / 2". Par contre, si nous prenons seulement en compte les mesures de chaque hémistiche de ces vers, nous obtenons un rythme binaire décroissant dont le schéma est le suivant : « 4 /2 // » (premier hémistiche) et « // 4 / 2  » (deuxième hémistiche).

                De plus, concernant le vers 3 sa particularité réside dans le fait qu'il fait alterner un rythme  décroissant et un rythme croissant. C'est ce qu'indique sa disposition métrique : « 4 / 2 // 2 / 4 ».

                Par ailleurs, les vers 2,7,10 et 11 se caractérisent par un rythme binaire régulier puisque les mesures de leurs différentes hémistiches forment des tétramètres : « 3 / 3 // 3 / 3 ».

                Quant aux vers 9 et 12, ils se particularisent par la succession d'un rythme binaire régulier et d'un rythme binaire décroissant. Ils ont un même schéma métrique qui se dispose ainsi : « 3 / 3 // 4 / 2 »

                Enfin, seul le vers 15 se distingue par un rythme accumulatif qui est identifiable « quand le vers est scandé par un grand nombre d'accents ». Le nombre élevé des syllabes de ce vers impair (Quinze syllabes), lui impose un nombre important d'accents et de coupes. Sa configuration métrique est celle-ci : « 3 / 3 /3 / 3 / 3 ».

                En somme, l'accentuation et les pauses métrique favorisent la lecture d'un rythme binaire de forme variée assorti d'un rythme accumulatif dans le poème de Dervain. Toutefois, outre les accents, les césures et les coupes, le rythme naît aussi du retour de certains signifiants linguistiques. Ce phénomène itératif est de plusieurs catégories. Mais, nous porterons notre attention sur les plus représentatifs dans notre corpus. Il s'agit des rimes, des assonances, des allitérations et les parallélismes syntaxiques.

     

    •3-    La répétition de signifiants linguistiques comme élément rythmique

    Comme indiqué ci-dessus, sous ce titre, nous étudierons les rimes, les assonances, les allitérations et les parallélismes grammaticaux.

    Concernant la rime, elle est définie comme «  la répétition, à la fin des vers, de la dernière voyelle accentuée et des phénomènes qui la suivent »1 Dans la poésie classique, il existe des configurations régulières de rimes notamment les rimes plates (ABB), les rimes croisées (ABAB) et les rimes embrasées (ABBA). Le poème que nous étudions ne se distingue pas par une alternance de toutes ces formes de rimes citées. La disposition des rimes de ce poème, qui est singulière, se présent ainsi :

    Dans le premier quatrain, les vers se terminent respectivement par les mots suivants : «  mornes » (A), « vain » (B), « vin » (B) et «  borne » (A). Cette strophe a donc des rimes embrasées (ABBA). La deuxième strophe, qui est un tercet, s'achève par les termes suivants : «  viornes » (A), « divin » (B) et « Dervain » (B). Cette organisation des rimes (ABB) est, selon Claude Peyroutet, un «  tierce rime ». Relativement à la troisième strophe, qui est un autre quatrain, la fin graphique de ces vers se présente ainsi : «  encore » (C), « s'endort » (C), «  ronge » (D) «  fervent »( E ). Ce schéma de rime (CCDE) n'a pas de nom particulier.  

    Enfin, la dernière strophe, qui est  un distique, prend fin par les vocables suivants : «  bouge » (D) et «  vivant »( E). Une fois de plus, cette combinaison (DE) ne se distingue pas par un nom. Au total, le schéma des rimes du poème se dispose ainsi : «  ABBA / ABB / CCDE / DE ».          

     Se prononçant sur le rapport entre les rimes et le rythme dans la poésie classique, Alain Vaillant affirme ceci : « La fonction originelle de la rime, en marquant la fin des vers et en établissant un parallélisme d'un vers à l'autre était de souligner le rythme métrique »2

    Le rythme accentuel du poème soumis à notre appréciation est ainsi renforcer par la disposition de ces rimes.

    Par ailleurs, relativement à l'assonance, elle consiste en la «  répétions de sons vocaliques ». Et dans notre corpus, il y a un retour remarquable de divers sons vocaliques. A titre illustratif, nous avons d'abord la récurrence du phénomène «  è » ou ]   dans les termes suivants : « j'ai » (vers 1et 4) ; « mer » (vers 1 ,5 et 11) ; « vipère » (vers 5), « devraient  », « mes » et « veines » (vers 6),  « rêve » (vers 2), « être » (vers 13) etc.

    Ensuite, il y à une assonance en « ou » [U] dans les vocables qui suivent : « parcouru » (vers), « poursuivant » (vers 2), « beaucoup » (vers 3) ; « ou », (vers 5) ; « repousse » (vers 8) ; « jours » et « rouge » (vers 10) ; « bouge » (vers 12).

                En outre, les termes « poursuivant » (vers 2) ; « sang » (vers 6 et 10), « s'endort » (vers 9) ; « naissant » (vers 10) ; « fervent » (vers 11), « quand » (vers 12) ; « vivant » (vers 13 », assonent en « an » [ã]. Pour finir certains mots assonent en « in » ou ]. Ce sont : « vain » (vers 2), « vin » (vers 3) ; « divin » (vers 6), « moins » et « Dervain » (vers 7) ; « t'invite » (vers 12).

    Telles sont les assonances que nous pouvons relever en guise d'exemples.

                En ce qui concerne l'allitération, elle est définie comme « la répétition  de sons consonantiques »1. Il y a une présence d'allitération dans notre texte support. Cette figure se perçoit, premièrement, par le retour du phénomène « j » ou [...] dans les relevés textuels suivants : « j'ai » (vers 1 et 2 ), « je » (vers 3, 8 et 12) et « jour » (vers 10). Il faut ajouter que dans les mots « parcouru » (vers 1), « poursuivant » (vers 2), « passion »  et « perdue » (vers 4), « vipère » (vers 5) , il y a une allitération en « p » ou [p]. Enfin, nous avons une allitération en « m » ou [m] dans les indices suivants : « normes » (vers 1) ; « m'enivrai » (vers 3 » , « me » (vers 5), « mer » (vers 5 et 11) ; « mettre » et « moins » (vers 9), « comme » (vers 10). Selon un texte de Sergio Capello, que cite Lucie Bourassa2 dans son œuvre Henri Meschonnic. Pour une poétique du rythme, le retour des phénomènes vocaliques et consonantiques avait une fonction ornementale dans l'entendement des classiques.

                Et Claude Peyroutet précise que ces récurrences phonétiques fonctionnent « comme un écho rythmé, un appel sonore au lecteur »3 .

             Au regard de ces différents propos évoqués ci-dessus, nous pouvons déduire que la fréquence de ces éléments stylistiques affecte au rythme du poème support une fonction esthétique.

     Pour finir avec les formes reprises, notons le parallélisme syntaxique présent dans notre corpus. En effet, le parallélisme consiste en «un système de répétitions et de correspondances de structures »1. Il est dit syntaxique lorsque  « d'un vers à un autres ou d'une strophe aux autres, les mêmes types de groupes de mot et de phrases se retrouvent »2.

                Dans le poème que nous étudions, cette construction est, par exemple, identifiable dans la première strophe : « j'ai parcouru les mers, j'ai dévalé des normes »3 (vers 1) / « D'une passion perdue, j'ai reculé les bornes »4 (vers 4). Les hémistiches (soulignés) révélateurs de  ces parallélismes se caractérisent par une structure syntaxique identique à savoir :

    Sujet (pronom personnel : première personne du singulier) + verbe (mode : indicatif / temps : passé composé) + complément (groupe nominal / complément d'objet direct  / nombre : pluriel).

    Cette similitude syntaxique participe à l'identité rythmique de ces différents hémistiches en ce sens où elle leur permet d'avoir un même schéma rythmique notamment : « 4/2 ». Il s'agit d'un rythme décroissant. Cela a été déjà mentionné dans la partie de notre travail intitulée "notes sur la mise des accents et des pauses métriques dans le texte support".

                Il faut retenir de ce qui précède que le rythme selon la logique classique est effectif dans ce texte de Dervain que nous étudions. Il se construit par l'accentuation, les pauses métriques et les diverses  formes de répétitions analysées. Cependant, en dépit de son évidence, ce rythme n'induit pas de sens. Or pour Henri Meschonnic, le rythme dans le langage est inéluctablement vecteur d'une sémantique. C'est cette conception meschonnicienne du rythme, appliquée au corpus, qui sera l'axe de notre réflexion dans les lignes qui suivront.

     

    II-APPLICATION DU RYTHME SELON MESCHONNIC AU TEXTE  

          SUPPORT

                La théorie du rythme telle que perçue par Meschonnic, est une critique de la conception classique de cette notion. Pour Meschonnic, le rythme ne peut pas et ne doit pas être confiné à la métrique. Autrement dit, il y a du rythme dans toute sorte de discours, métrique ou prosaïque. De surcroit, il pense que la fonction du rythme ne se borne pas au beau mais que celui-ci est inducteur de sens. Cet auteur redéfinit ainsi le rythme dans le langage. Avant de passer à l'application concrète de cette théorie à notre champ d'étude, nous en donnerons une généralité

     

    •1-    Notes sur la définition du rythme selon Meschonnic

     

    Aux pages 216 et 217 de son œuvre intitulé Critique du rythme anthropologie historique du langage, Meschonnic affirme  ceci :

    « Je définis le rythme dans le langage comme l'organisation des marques par lesquelles les signifiants linguistiques et extralinguistiques (dans le cadre de la communication orale surtout)  produisent une sémantique spécifique, distincte du sens lexicale, et que j'appelle  la signifiance : c'est-à-dire les valeurs propres à un discours et à un seul. Ces marques peuvent se situer à tous les « niveaux »  du langage : accentuelles, prosodiques, lexicales, syntaxiques »1.

     Cette définition à plusieurs implications. D'abord le rythme n'est plus perçu comme l'alternance à une période précise d'éléments strictement linguistiques, réguliers ou irréguliers. Pour Meschonnic, le rythme est plutôt une « organisation des marques »2 discursives qu'elles soient segmentales ou suprasegmentales (le caractère et la disposition typographique, la ponctuation, l'intonation...). Il faut ici entendre par « organisation des marques », la mise en système des différents signifiants linguistiques ou extralinguistiques du discours. Or chaque discours, en tant qu'acte de langage, est unique car il obéit à une énonciation (contexte de production, sujet émetteur ...) spécifique. Dans ce sens, les marques discursives et leur organisation diffère d'un texte à un autre. Par conséquent le rythme n'est plus une théorie fixée qui précède le texte et qu'on doit simplement lui appliquer. Le rythme dans le discours est imprévisible et seulement fonction de chaque texte.

    Ensuite, il ressort de la définition susmentionnée que le sens, produit par le rythme, relève de la connotation du discours qui s'oppose à son « sens lexical » ou sens dénoté. En effet, sens dénoté  et sens lexical sont des synonymes puisque comme le dit Claude Peyroutet, « on appelle dénotation ou sens dénoté d'un mot, son sens objectif, livré par le dictionnaire »3 Pourtant la connotation est  perçue par Nicolas Laurent comme « l'ensemble des valeurs sémantiques additionnelles portées par une forme dans le discours. »4 Le sens dans le discours est ainsi une réalité indéterminée, continuelle. Et Meschonnic parle alors de « signifiant ». Toutefois, cette connotation du discours ou sa signifiant «  ne se fonde pas sur une opposition du langage poétique au langage référentiel »1  comme le conçoivent certains auteurs dont Michael Riffaterre et Julia Kristeva. Pour Meschonnic la signifiance est dégagée par l'interrelation qui existe entre les différents systèmes que créent les marques du discours. C'est pourquoi Gérard Dessons et lui affirment ceci :

    « il y a à parler plutôt de sémantique sérielle, avec une paradigmatique et une syntagmatique rythmique et prosodique -l'organisation des signifiants consonantiques-vocaliques en chaîne thématiques, qui se dégage une signifiance - organisation des chaines prosodiques produisant une activité des mots qui ne se confond pas avec leur sens mais participe de leur force, indépendamment de toute conscience qu'on peut en avoir »2.

                  Pour simplifier sans doute à l'extrême, il faut retenir de cette citation que la signifiance est une association d'une pluralité de réseaux sémantiques (« sémantique sérielle ») bâtie sur la combinaison (ou la « syntagmatique » ) d'unités discursives ayant des affinités rythmiques et phoniques.

                Cette citation prouve aussi que la signifiance selon Meschonnic est différente du symbolisme des sons c'est-à-dire de la théorie (en vogue au XIXe siècle) selon laquelle chaque écho vocalique ou consonantique est intrinsèquement porteur de sens.

                  Enfin, relevant du discours, le rythme implique impérativement un sujet que Henri Meschonnic nomme le : « sujet du poème ». Concernant ce point, Lucie Bourassa fait la précision suivante : « la subjectivité du poème n'a rien  à voir avec la présence ou l'absence d'un Je grammatical : elle est faite du système de l'œuvre, qui se réalise dans la signifiance »1. A considérer ce propos, dans un poème, ce sont les différents « systèmes »  ou réseaux respectifs, crées par les marques discursives selon leur identité rythmique et prosodique, qui constituent le sujet du rythme. Dans cette logique, deux discours différents ne peuvent avoir un même sujet rythmique.Ces précisions étant faites, nous aborderons concrètement la notation du rythme selon Meschonnic.

     

     

     

     

    • 2- La notation du rythme selon Meschonnic

                Pour Gerard Dessons, le marquage du rythme proposé par Meschonnic  peut faire l'objet d'une classification. D'une part il y'a « l'accentuation essentielle » et d'autre part « l'accentuation facultative »

                L'accentuation essentielle regroupe l'accent syntaxique et l'accent prosodique.

    Concernant l'accent syntaxique, «  il se place sur la dernière syllabe prononcée d'un groupe syntaxique »1 . Exemple : j'ai parcouru les mers 

                Cet accent est porté par n'importe quel mot pour peu qu'il soit en fin de groupe. Ce qui veut dire que même les clitiques c'est-à-dire «  des mots non accentogènes »2 (les prédéterminant " le, mon, cette,... " ; les pronoms personnels atones " je, me ; tu , te ; il , le, se....", les prépositions, les conjonctions ) sont frappés par l'accent syntaxique quand ils deviennent enclitiques c'est-à-dire placés en fin de groupe. Exemple : Je le mange / Mange le. Cet accent est noté par un trait horizontal (     ) sur l'unité accentuée.

                De plus, il y a l'accent d'attaque (un type précis d'accent syntaxique) qui frappe «  la première syllabe accentuable d'un groupe syntaxique » exemple : j'ai devalé les mornes

                Relativement à l'accent prosodique, il est tributaire de « la répétition de phonèmes  ou de groupes de phonèmes ». Exemple : je t'invite au repos quant toute chose bouge / viens, partage avec moi l'espoir d'être vivant ...

                Dans cet exemple, l'accent prosodique est porté par le son consonantique « t » et le phonème vocalique « o ». Outre le principe de la répétition consonantique ou vocalique,  Meschonnic et Dessons indiquent celui de la « proximité des phonèmes répétés ». Deux critères permettent donc la notation de l'accent prosodique à savoir la récurrence et la contigüité des phonèmes. Cet accent est marqué de la manière suivante :   Mais avec le phénomène de la contre-accentuation que nous verrons plus loin, il comporte un chiffre qui lui est souscrit : 1

             Dans ce canevas, la rime n'est plus qu'un simple retour d'échos vocalique et consonantique puisqu'elle porte aussi l'accent prosodique. Elle participe de la mise en évidence de la signifiance. A ce sujet Meschonnic dit : « la rime n'est pas seulement le retour d'une sonorité, c'est une récurrence de valeurs »3

                Par ailleurs, concernant l'accentuation facultative, elle prend en compte l'accent d'insistance et l'accentuation typographique. Elle est dite facultative parce qu'elle n'est pas perceptible dans tout texte.

                Désigné aussi sous les termes accents oratoires ou rhétoriques, l'accent d'insistance peut frapper toutes les unités linguistiques (Phonèmes, syllabe ou mot entier). Etant un accent de renforcement du discours, sa présence est obligatoirement motivée par le texte et non par une impression personnelle.

                En outre, l'accent typographique est une matérialisation graphique de la voie dans le texte. Ses indices les plus représentatifs sont l'alinéa, le blanc, le changement de caractère et la ponctuation.

             Hormis ces catégories d'accentuation, Meschonnic s'intéresse également à l'accent métrique et au contre-accent.

                A propos de l'accent métrique, Meschonnic ne le rejette pas mais il le conçoit autrement. En effet, pour lui le système métrique français est constitué de deux types de mètres : les mètres simples qui vont de une à huit syllabes et les mètres complexes qui vont de neuf à douze syllabes. Par conséquent, les mètres simples portent un seul accent sur la dernière syllabe comptée.  Quant aux mètres complexes, ils se distinguent par un accent à la césure et un autre à la clausule. Il déduit que l'alexandrin ne peut être un trimètre (trois fois quatre syllabes) ni un tétramètre (quatre fois trois syllabes). C'est un mètre complexe qui ne peut être divisé qu'en deux hexasyllabes (deux fois six syllabes) et qui n'a que deux accents métriques et pas plus.

                Pour finir, au sujet de la notion de contre-accent (suite de deux accents), tandis que les classiques la désapprouvent, Meschonnic pense que ce type d'accent est inhérent au discours. Son rôle est de créer une saturation accentuelle inductrice des systèmes rythmiques et prosodiques dont l'interaction engendre la signifiance. De façon empirique, il est marqué par des chiffres placés sur les accents concernés (1 2 ). Cette succession accentuelle est reliée graphiquement par une ligature (  ) ou attelage. Et la présence de la ligature est impérative, quand les positions accentuées sont séparées par une pause syntaxique ou une pause métrique, pour assurer le continu accentuel. La contre-accentuation est une figure accentuelle pouvant associer soit des accents identiques, soit des accents différents.

    Après l'évocation de ces données théoriques sur l'accentuation selon Meschonnic, nous passerons dans la suite à la mise en pratique de cette notation accentuelle sur notre texte support. Toutefois, nous ne marquerons pas les ligatures. Nous étudierons néanmoins plus loin, en les relevant, quelques zones de  saturation engendrées par ces dites ligatures.

    •3-    l'application du marquage accentuel de Meschonnic au poème de    

          Dervain  

    3

    4

    1

    2

    3

    1

    2

     

     

     

    3

    1

    3

    2

    1

    J'ai parcouru les mers, j'ai dévalé les mornes

    5

     

     

    1

    3

    4

    2

    2

    Poursuivant de mon rêve // un désir qui fut vain

    3

    2

    1

    4

    3

    2

    1

    Je m'enivrai d'espoir // beaucoup plus que de vin

    D'une passion perdue // , J'ai reculé les bornes

    1

    2

    4

    5

    6

    7

    1

    2

    3

     

     

    1

    3

    2

    2

    1

    On me dit que la mer ou le ciel la vipère ou le viorne

    3

    2

    1

    4

    3

    2

    1

    Devraient mettre en mes veines un peu de sang divin

    Etre un peu plus satyre et un peu moins Dervain

    2

    3

    1

     

     

    2

    1

    Je repousse cette offre et je préfère encore

    2

    1

    6

    5

    4

    3

    1

    2

    Rechercher dans ton ombre où le soleil s'endort

    3

    2

    1

    Le reflet de mon sang comme un jour naissant rouge

    Sur la mer Caraïbe glori-eux et fervent

    1

    2

     

     

    2

    1

    Je t'invite au repos quand toute chose bouge

    Viens, partage avec moi l'espoir d'être vivant...

     

             Comme nous l'avons déjà indiqué, contrairement aux classiques pour qui le rythme n'a qu'une visée esthétique, Meschonnic  pense que le rythme dans le langage est un mode de signifier. De même que sur la chaine parlée l'associativité de l'axe paradigmatique et de l'axe syntagmatique créée le sens, de même le rythme de par la selection et la combinaison de ses éléments constitutifs précédemment étudiés, produit la  signifiance. Meschonnic fait la déclaration suivant à ce propos :

    « Le rythme est fait de paradigmes, et il est la syntagmatisation de ces paradigmes »1 

     

                Le marquage accentuel de notre corpus étant réalisé, nous nous emploierons à dégager la signifiance mise en évidence par le rythme dans ce poème.

     

    III-LE DISCOURS DU RYTHME DANS LE POEME DE DERVAIN.

                Le poème soumis à notre analyse, grâce à ses constituants linguistiques et suprasegmentaux, favorise la lecture d'une signifiance ou de réseaux de sens suggérés. Nous porterons notre attention sur deux de ces réseaux qui nous paraissent pertinents. Il s'agit de la poétique d'une quête infinie et de celle de l'altérité.

     

    •1-    la poétique d'une quête infinie ou perpétuelle

     

    Une quête infinie est, en effet, synonyme d'une recherche illimitée d'un objet. Et dans le texte support de notre réflexion, nombre d'indices linguistiques assortis d'un élément suprasegmental, précisément la ponctuation, mettent le sujet parlant dans la posture d'un quêteur perpétuel.

    3

    2

    1

    4

    3

    2

    1

             De prime abord, relativement aux signifiants linguistiques, notons ceux-ci :

    3

    2

    1

     

    «  J'ai parcouru les mers, j'ai dévalé les mornes » (vers1)

    «       (....) , j'ai reculé  les bornes » ( vers 4)

             Comme nous l'avons déjà signifié, ces vers, grâce à l'identité et à la correspondance de leurs structures grammaticales, forment un parallélisme syntaxique. Ce parallélisme, tant dans la conception classique que dans celle de Meschonnic, leur confère une identité rythmique. Ils forment ainsi un paradigme.  Ils sont, en effet, accentués sur les mêmes positions et y portent les mêmes accents. La saturation accentuelle, phénomène signifiant, est, de fait, réalisée aux mêmes postures à savoir participes passé (parcouru, dévalé et reculé) et groupes nominaux (les mers, les mornes et les bornes). Les figures accentuelles qui se dégagent de cette saturation sont identiques dans ces différents hémistiches  car elles se distinguent par l'alternance d'un accent métrique (1) et d'un accent prosodique ( 2 ). La ligature  permet de les mettre en relation.

    2

    3

    3

    2

    2

    3

                Cette interrelation accentuelle entre ces hémistiches participe de l'écriture de la recherche illimitée du locuteur grâce au nombre pluriel, trait commun, de leur dernier groupe de mots accentués :

                «  Les mers », «   les mornes » et « les bornes ».

                Ce nombre quantitativement élevé par l'antéposition du déterminant pluriel "les", caractéristique commune de ces trois syntagmes nominaux, leur confère un sème connotatif identique notamment l'innombrable, l'illimité, le continue.

             De même, l'identité syntaxique et rythmique de ces vers fait de l'itération du passé composé un mode de signifier. Temps verbal de ces trois propositions (les trois hémistiches), le passé composé exprime, selon la grammaire normative, une action produite dans un passé récent mais qui a encore des relents, une suite dans le présent. Il s'inscrit ainsi dans le canevas du continue. Et sa répétition est donc signalétique d'une insistance sur cette continuité, ce fuyant.  

    1

                Concernant l'isotopie de la quête, elle est intimement tributaire des relevés textuels suivant :

    « pa


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